Le Décret n° 2025-1067 du 7 novembre 2025, qui vient de paraître au J.O. du 9 novembre, s’inscrit dans une démarche de refonte structurelle de la justice française. Mais s’il comporte des dispositions clés pour les magistrats et l’organisation générale des juridictions, il met également l’accent sur la professionnalisation et la clarification des fonctions au sein des services de greffe.
I. Les principales mesures structurantes du décret
Avant d’aborder le cas spécifique des agents de greffe, il est essentiel de rappeler les autres changements majeurs introduits par ce texte :
- Audiences Solennelles Assouplies : L’article R. 111-2 du COJ est modifié pour permettre aux tribunaux judiciaires de tenir leurs audiences solennelles de rentrée tout au long du mois de janvier (ou du mois de février pour la Cour d’appel de Saint-Denis), et non plus seulement pendant la première quinzaine. Il est également formalisé que ces discours peuvent porter sur un sujet d’actualité ou d’intérêt juridique.
- Spécialisation Foncière : Le décret rétablit la possibilité pour un tribunal judiciaire de se spécialiser en matière foncière au niveau départemental (art. R. 211-4), notamment pour les litiges relatifs aux actions réelles immobilières et au partage portant sur des droits réels.
- Gouvernance des Commissions : Le nombre maximal de mandats successifs des membres élus des commissions restreintes est augmenté de un à deux (articles R. 212-55 et R. 312-62).
- Justice Rurale : Une clarification est apportée à l’organisation du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux (TPBR) lorsque son siège est dans une chambre de proximité, précisant les modalités de désignation de son président et de ses assesseurs.
II. L’impact structurel pour les services de greffe judiciaires
Le décret consacre également un effort notable pour renforcer la gestion, la responsabilité et la coordination au sein des services de greffe, en ligne avec les exigences d’une administration judiciaire plus efficace.
1. Clarification des Rôles et des Responsabilités
Les modifications clés sont axées sur la reconnaissance et l’encadrement des fonctions de direction :
| Ancienne Fonction | Nouvelle Disposition (COJ, Art. R. 123-10) | Impact pour les Greffes |
| Chef de Service de Greffe | Fonction formellement dévolue aux DSGJ (Directeurs des services de greffe judiciaires). | Reconnaissance statutaire et professionnelle accrue de la fonction de direction intermédiaire. |
| Missions | Le DSGJ est placé à la tête d’un ou de plusieurs services. Il organise l’activité et met en application les instructions du Directeur de greffe. | Professionnalisation et clarification des chaînes de commandement pour une gestion plus efficiente et responsabilisante des services. |
| Assistance | Le DSGJ a pour fonction d’assister le Directeur de greffe dans le cas où ce dernier n’a pas d’adjoint. | Formalisation du rôle d’adjoint en cas de besoin, garantissant la continuité de l’encadrement. |
2. Renforcement des compétences d’inspection
L’article R. 312-68 est modifié pour optimiser les missions d’inspection des greffes. Les chefs de cour (Premier président et Procureur général) peuvent désormais être assistés par un DSGJ de la cour d’appel pour l’inspection des greffes des juridictions de leur ressort. Cette mesure intègre une expertise administrative et opérationnelle directe dans le processus de contrôle.
3. Gestion des ressources humaines en Outre-mer : le modèle Saint-Denis / Mamoudzou
Le décret formalise des solutions pour surmonter les contraintes géographiques, en particulier pour les agents du greffe de la Cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion) et de son greffe détaché à Mamoudzou (Mayotte) :
- Statut clarifié : Le greffe détaché de Mamoudzou est officiellement dirigé par un chef de service appartenant au corps des DSGJ.
- Inclusion à distance : Les agents du greffe de Mamoudzou sont reconnus membres des assemblées générales et peuvent assister aux audiences solennelles par visioconférence (Art. R. 314-8), favorisant leur intégration à la vie de la cour.
- Délégation de personnel : Un régime de délégation temporaire est mis en place (max. quatre mois, renouvelable une fois) entre les deux greffes, nécessitant l’accord préalable de l’agent et étant encadré par une prise en charge des frais de mission et des indemnités spécifiques. L’Art. R. 314-12 exige de plus un bilan annuel écrit de ces délégations présenté au comité social d’administration, assurant le suivi.
- Ces mesures attestent d’une volonté de territorialisation de la gestion des greffes, reconnaissant les spécificités ultra-marines tout en garantissant une gestion des effectifs souple et encadrée, bien que l’analyse souligne que l’efficacité dépendra des moyens logistiques alloués.
Entrée en vigueur
Le décret est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal Officiel, soit le 10 novembre 2025. Toutefois, une entrée en vigueur différée est prévue au dixième jour suivant cette publication pour les collectivités d’outre-mer de Wallis et Futuna, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.
Texte original : Décret n° 2025-1067 du 7 novembre 2025 J.O. du 9.







