Formation initiale et pénurie d’Orthophonistes : le ministre se défend et donne des garanties

La réforme de la formation initiale des orthophonistes pour la rentrée 2026, visant à alléger le Master et à améliorer l’adéquation théorie-pratique, est vivement contestée. Les professionnels du terrain, enseignants et étudiants dénoncent leur exclusion de la concertation, craignant que cette rénovation ne compromette la qualité des stages cliniques et n’exacerbe la pénurie de praticiens face à une demande croissante. Le ministre répond.

🎓 Enjeux de la réforme : Master et adéquation théorie-pratique

Depuis 2013, la formation pour obtenir le Certificat de Capacité d’Orthophoniste (CCO) est alignée sur le schéma européen, menant à un diplôme de Master (Bac+5). Cet allongement des études visait à élever le niveau de compétences des professionnels.

En janvier 2024, une rénovation de la maquette pédagogique a été lancée par les ministères chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé, avec une mise en œuvre prévue pour la rentrée 2026.

Le point de départ de cette rénovation, selon le Ministre, est un volume horaire global jugé trop conséquent, entraînant un mal-être étudiant et des difficultés de recrutement pour les équipes pédagogiques. La réforme s’est traduite par :

  • Une réduction du volume horaire total.
  • Une réorganisation des enseignements et des stages.
  • Une progressivité pédagogique axée sur le développement des compétences.

📢 Crispations autour de la concertation

Malgré l’engagement du Gouvernement, plusieurs élus ont interpellé le Ministre, dénonçant un manque de transparence et d’inclusion dans l’élaboration de la réforme.

  • Professionnels écartés : Les enseignants, praticiens, maîtres de stage, et la Fédération des orthophonistes de France (FOF) regrettent d’avoir été tenus à l’écart des discussions. Ils estiment que leur connaissance fine des besoins et des réalités cliniques n’a pas été suffisamment prise en compte.
  • CFUO sous-représentés : Les Centres de Formation Universitaire en Orthophonie (CFUO), pourtant directement concernés, ne seraient pas représentés dans leur diversité.
  • Étudiants non écoutés : Les étudiants eux-mêmes soulignent que leur expérience et leurs besoins n’éclairent pas suffisamment les ajustements nécessaires.

En réponse, le Ministre a précisé que le groupe de travail, actif depuis mars 2024, réunit des représentants :

  • Des enseignants des CFUO.
  • De la Fédération Nationale des Étudiants en Orthophonie.
  • De plusieurs organisations professionnelles (FOF, Conseil National Professionnel du Collège Français d’Orthophonie, France Universités).
  • D’experts extérieurs (ORL, linguiste, psychiatre, psychologue).

Il est également mentionné que la FOF a été consultée, reçue par le cabinet ministériel, et a participé au COPIL de clôture pour examiner et commenter le nouveau référentiel, saluant, selon le Ministre, la qualité du travail accompli.

🏥 L’importance des stages et la pénurie de professionnels

Le cœur des préoccupations des professionnels réside dans l’adéquation entre la théorie et la pratique sur le terrain.

  • Hétérogénéité des stages : L’organisation des stages pratiques est jugée hétérogène selon les régions, ce qui rend difficile pour certains étudiants de développer une posture professionnelle adaptée à la diversité des pathologies, des patients et des lieux de soin (libéral, salarié, hospitalier).
  • Valorisation du stage long : La profession insiste sur l’importance de stages longs et structurants (par exemple, une journée par semaine pendant un semestre) pour permettre aux étudiants de s’adapter aux rythmes réels de l’exercice et de mieux découvrir la clinique.
  • Programmes rigides : Les programmes de rééducation et protocoles sont parfois jugés trop rigides et standardisés, ne préparant pas suffisamment les futurs orthophonistes à une pratique souple et à l’hétérogénéité des troubles.

Les parlementaires soulignent à cet égard que les pressions administratives croissantes et le manque de cohérence formation-réalité dissuadent les jeunes diplômés de s’engager durablement dans la profession.

Il en résulte que, face à une demande croissante (notamment pour les jeunes enfants et les seniors), la pénurie structurelle d’orthophonistes est jugée préoccupante, compromettant l’accès aux soins dans de nombreux territoires. Des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous peuvent dépasser un an et demi (notamment en Bretagne), avec des effets directs sur les patients dont les soins sont cruciaux.

Face à ces difficultés, le Gouvernement se dit conscient de l’urgence. Pour accroitre les capacités de formation et améliorer le maillage territorial :

  • Des postes d’enseignants-chercheurs en orthophonie ont été créés pour augmenter les capacités de formation.Les questions restent posées quant aux moyens humains et financiers attribués pour assurer la mise en place d’une réforme ambitieuse et à la garantie que la formation restera exigeante, ouverte et respectueuse de tous les acteurs impliqués.
  • L’ouverture de nouveaux Centres de Formation Universitaire en Orthophonie (CFUO) est encouragée, avec des projets à l’étude (notamment à Grenoble et La Réunion).

Enfin, le Gouvernement garantit que le nouveau référentiel laisse une marge de manœuvre aux centres de formation pour décliner la maquette et tenir compte des particularités locales.

Source : J.O. Assemblée Nationale des 6 et 11 novembre 2025, Questions écrites n° 4029, p. 8.956 et n° 7.643 p. 9.165.

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