Le Décret n° 2025-1052 du 3 novembre 2025, paru au Journal Officiel du 6 novembre 2025, est un texte d’application majeur pour les professionnels de l’immobilier, les huissiers de justice (désormais commissaires de justice), les avocats et les notaires. Il met en œuvre l’article L. 153-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et apporte une harmonisation et une clarification des modalités d’évaluation et de procédure d’indemnisation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique (CFP) pour exécuter une mesure d’expulsion.
Ce décret crée un nouveau Chapitre IV dans le CPCE intitulé : « Procédure d’indemnisation en cas de refus du concours de la force publique » (Articles R. 154-1 et suivants).
📅 Déclenchement de la responsabilité de l’État (Art. R. 154-1)
Le décret précise le point de départ de la responsabilité de l’État :
- Date de la décision de refus : La responsabilité de l’État est engagée à compter de la date de la décision explicite de refus prise par le préfet de département (ou le préfet de police à Paris).
- À défaut de réponse explicite du préfet, la responsabilité de l’État est engagée à l’issue d’un délai de deux mois suivant la date de la demande de CFP.
Point de vigilance : L’article R. 154-5 prévoit une dérogation pour les locaux habités ou professionnels. Si la décision de refus intervient pendant que l’occupant bénéficie d’un sursis (article L. 412-6 du CPCE) ou d’un délai de grâce accordé par le juge, la responsabilité de l’État n’est engagée qu’à l’issue de ce sursis ou de ce délai.
📝 La Procédure de Demande d’Indemnisation (Art. R. 154-2 et R. 154-3)
La nouvelle procédure se veut d’abord administrative et transactionnelle :
- Saisine du Préfet : Le bénéficiaire de la décision d’expulsion doit adresser sa demande d’indemnisation au préfet qui a refusé le CFP, par tout moyen permettant d’en assurer la date de manière certaine (Recommandé avec accusé de réception par exemple).
- Justificatifs : La demande doit être accompagnée de toute pièce établissant la réalité et le montant des préjudices, lesquels doivent être en lien direct et certain avec la décision de refus.
- Réponse du Préfet : Le préfet statue sur la responsabilité de l’État et le droit à indemnisation. S’il retient la responsabilité de l’État, il communique au propriétaire un montant d’indemnisation qu’il propose.
- Transaction : L’indemnisation prend la forme d’une transaction (articles L. 423-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration). En acceptant, le propriétaire renonce à tout recours sur le même litige.
- Subrogation : Dès la signature de la transaction, l’État est subrogé dans tous les droits et actions que détient le propriétaire contre l’occupant sans droit ni titre pour la période indemnisée.
- Rejet implicite : Le silence gardé par le préfet pendant deux mois sur la demande vaut rejet implicite de celle-ci.
- Recours contentieux : En cas de rejet (explicite ou implicite) ou de contestation du montant proposé, le propriétaire peut saisir le tribunal administratif dans le délai de recours contentieux.
🛑 Fin de la Période de Responsabilité (Art. R. 154-4)
L’indemnisation n’est due que jusqu’à la survenance de l’un des événements suivants, qui met fin à la période de responsabilité de l’État :
- L’accord ultérieur et la mise en œuvre effective du CFP par le préfet.
- Le départ volontaire des occupants (constaté).
- La renonciation du propriétaire à poursuivre l’expulsion.
- La vente du bien immobilier.
- Le décès de l’occupant.
Attention (Art. R. 154-4, II) : Si un recours juridictionnel aboutit à l’infirmation du jugement d’expulsion, le propriétaire ne peut plus justifier d’un préjudice et perd son droit à indemnisation.
💰 Liste des Préjudices Réparables (Art. R. 154-7)
L’article R. 154-7 dresse une liste limitative des préjudices réparables, à condition qu’ils surviennent pendant la période de responsabilité de l’État :
- Perte des loyers et des charges locatives récupérables.
- Perte de la valeur vénale du bien liée à une vente désavantageuse.
- Frais liés à l’impossibilité de vendre le bien.
- Frais de remise en état.
- Frais de commissaire de justice.
- Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).
- Trouble dans les conditions d’existence (préjudice moral).
Évaluation de la Perte des Loyers
L’indemnité pour perte de loyers s’apprécie par rapport à la valeur locative des locaux. Elle est :
- Basée sur le contrat de bail, mais exclut tout supplément de loyer ou frais non directement liés au refus de CFP.
- Établie par tout moyen en l’absence de bail ou si le loyer contractuel ne correspond pas à la valeur locative réelle.
- Elle inclut la compensation des charges locatives récupérables, sous réserve que le propriétaire justifie s’en être acquitté.
🏢 Cas Particulier des Organismes HLM (Art. R. 154-6)
Dans le cas d’un organisme d’Habitations à Loyer Modéré (HLM) qui conclut un protocole d’accord de prévention de l’expulsion avec l’occupant (Art. L. 353-15-2 CCH), la responsabilité de l’État est suspendue pendant la durée d’application de ce protocole. L’organisme devra réitérer sa demande de CFP en cas de dénonciation du protocole.
Ce décret offre désormais un cadre juridique clair et détaillé aux professionnels pour chiffrer leurs préjudices et engager une procédure d’indemnisation administrative structurée et sécurisée.
Texte original : Décret n° 2025-1052 du 3 novembre 2025, J.O. du 6.







