Pharmacies : des réductions fiscales en faveur du commerce associé pour contrer la financiarisation du secteur

Un amendement au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026 vient d’être adopté en première lecture par les députés, afin de « renforcer l’indépendance des pharmaciens d’officine et de protéger le maillage territorial face à la montée de la financiarisation du secteur ». Cet amendement instaure une incitation fiscale spécifique pour les coopératives et les structures du commerce associé de la pharmacie.

La menace de la financiarisation

L’adoption de cet amendement répond à une préoccupation majeure : la financiarisation croissante de la pharmacie. L’exposé des motifs souligne que des fonds privés contournent le monopole pharmaceutique par divers montages juridiques (obligations convertibles, enseignes détenues par des fonds), introduisant des logiques de rentabilité et d’optimisation qui seraient incompatibles avec la mission de service public des officines.

Cette dérive, selon le Collège des Pharmacies de la Fédération du commerce coopératif et associé (à l’origine du travail sur l’amendement), engendrerait :

  • Une perte d’indépendance professionnelle des pharmaciens.
  • Une captation de la valeur créée par l’Assurance maladie au profit de capitaux étrangers.
  • Une mise en péril du maillage territorial, essentielle, notamment dans les zones rurales.

Favoriser le modèle coopératif et le commerce associé

Face à cette menace, l’amendement a pour objectif de promouvoir un modèle fondé sur la propriété et la gouvernance des pharmaciens en instituant un régime dérogatoire d’incitation fiscale et sociale visant spécifiquement les coopératives et les groupements du commerce associé.

Les structures et revenus concernés

Le texte définit avec précision les entités et les revenus qui pourront bénéficier de ce régime dérogatoire :

Structures éligibles

L’article vise deux types de structures, régies par le Code de commerce :

  • Les sociétés coopératives ou les unions de coopératives.
  • Les sociétés du commerce associé (sous réserve de respecter des critères stricts détaillés ci-dessous).

L’objet principal de ces structures doit être la mise en commun de moyens, l’achat, la logistique, la distribution ou la promotion de produits et de services pharmaceutiques.

Revenus éligibles

Les revenus concernés sont :

  • Les dividendes coopératifs et les excédents de gestion distribués annuellement par les coopératives.
  • Les dividendes distribués annuellement par les sociétés du commerce associé.

Définition et critères stricts du commerce associé

Afin d’éviter tout contournement du dispositif, quatre conditions cumulatives sont imposées pour qu’une société ou un groupement soit regardé comme une « société du commerce associé » éligible :

ConditionDétail
GouvernanceLa présidence ou la direction effective doit être assurée par un pharmacien en exercice au sein du réseau.
Capital/Droits de voteL’intégralité des droits de vote doit être détenue par des pharmaciens titulaires d’officine, sur la base du principe d’égalité entre les membres.
ParticipationLes pharmaciens membres doivent avoir le droit de participer à toute instance ou commission de gouvernance prévue par les statuts.
ActivitéAu moins 80 % du chiffre d’affaires consolidé du groupement (filiales incluses) doit être réalisé avec les officines de pharmacie membres du réseau, à l’exclusion de toute autre clientèle.

Le texte précise également que, pour ces sociétés, les dividendes versés ne sont pas proportionnels à l’utilisation des services, contrairement aux ristournes habituellement pratiquées dans le commerce associé.

L’Avantage fiscal

C’est l’essence de l’amendement : le régime fiscal est définitif et non remis en cause a posteriori (sauf manquement). Il s’applique exclusivement à la fraction des revenus correspondant aux activités mentionnées ci-dessus.

BénéficiaireImposition des Revenus DistribuésNature de l’Allègement
Personne Physique (ou société à l’IR)Exonération des prélèvements sociaux (CSG, CRDS, etc.) s’élevant actuellement à 17,2 %.Allègement des charges sociales personnelles.
Société (ou structure à l’IS)Soumission à un taux d’impôt sur les sociétés (IS) forfaitaire de 15 %.Taux réduit par rapport au taux normal de l’IS.

Éligibilité des bénéficiaires et conditions de distribution

Bénéficiaires éligibles

Les distributions exonérées ne profitent qu’aux membres directs du système :

  • Les pharmaciens titulaires (personnes physiques).
  • Les sociétés exploitant une officine de pharmacie (personnes morales), membres de ces structures.

La distribution doit être perçue proportionnellement à l’utilisation effective des services et produits proposés par la structure.

Formalités impératives

Le bénéfice du régime est conditionné au respect de trois formalités :

  1. Répartition statutaire : Les revenus doivent être répartis conformément aux règles statutaires de la société.
  2. Déclaration distincte : Les revenus distribués doivent être déclarés distinctement dans la liasse fiscale de la coopérative (pour les excédents de gestion) ou faire l’objet d’un vote distinct par l’assemblée générale (pour les dividendes coopératifs). Un décret précisera les modalités d’identification.
  3. Option expresse : Le membre bénéficiaire doit exercer une option expresse pour ce régime lors du dépôt de sa déclaration de résultats.

Contrôle et sanctions

Afin d’assurer la bonne application de la loi, les structures coopératives et les réseaux du commerce associé seront soumis à une obligation de documentation. Ils devront tenir à disposition de l’administration fiscale des justificatifs de :

  • Respect des conditions d’éligibilité.
  • Nature des revenus distribués.
  • Qualité des bénéficiaires.

En cas de manquement aux conditions ou de distribution non conforme, les avantages indûment obtenus seraient remis en cause et les revenus concernés seraient réintégrés au droit commun d’imposition (IS ou IR et prélèvements sociaux au taux plein).

Entrée en vigueur

S’il devait être définitivement adopté par le Parlement dans son ensemble, ce nouveau dispositif entrerait en vigueur dès le 1er janvier prochain (2026).

A suivre…

Source : Article 7 bis (nouveau) du PLFSS 2026.

Étiquetté :