Avocats : l’impossibilité de se représenter soi-même n’est pas contraire au droit à un procès équitable garanti par la CEDH ⚖️

Le Conseil d’État vient de confirmer qu’un avocat ne peut pas, en principe, se représenter lui-même dans une instance où il est personnellement partie. En outre, la haute juridiction administrative a jugé que cette interdiction n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui garantit le droit à un procès équitable.

📌 Le contexte de l’affaire

L’affaire concernait M. K., un avocat qui avait été sanctionné d’un blâme en 2016 pour manquement à ses obligations déontologiques. Suite à cette sanction, il avait engagé une action contre l’État, réclamant un million d’euros en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi. Son recours devant la cour administrative d’appel de Marseille, puis son pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, ont été l’occasion d’examiner la question de sa capacité à assurer sa propre représentation dans ce litige.

📜 La règle de la représentation obligatoire

Le Conseil d’État rappelle les dispositions des articles R. 811-7 et R. 431-2 du code de justice administrative (CJA). Ces articles imposent, à peine d’irrecevabilité, que les requêtes et mémoires devant les cours administratives d’appel soient présentés par un mandataire légal, notamment un avocat, dans les litiges tendant au paiement d’une somme d’argent.

Le Conseil d’État en déduit qu’un avocat, même s’il est un professionnel du droit, ne peut pas être son propre représentant dans une instance qui n’est pas dispensée du ministère d’avocat.

🛡️ Le fondement de l’interdiction : l’indépendance de l’avocat

La juridiction suprême administrative a exposé clairement les raisons de cette impossibilité. Elle découle de la nature même du mandat et de la profession :

  1. Le Mandat : La désignation d’un mandataire, au sens de l’article 1984 du code civil, implique de confier un mandat à un tiers. On ne peut se donner de mandat à soi-même.
  2. L’Indépendance : L’impossibilité d’assurer sa propre représentation est intrinsèquement liée à la nécessaire indépendance de l’avocat.

Cette indépendance est essentielle pour garantir que les intérêts personnels de celui qui défend ne soient pas en jeu dans l’affaire où il intervient comme avocat.

🌍 Non-violation de la Convention européenne des droits de l’homme

C’est sur le terrain du droit au procès équitable que le Conseil d’État a tranché la question de la compatibilité avec le droit européen.

ARTICLE 6 de la CEDH (extrait) : Droit à un procès équitable. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…

La haute juridiction affirme que l’obligation pour un avocat de désigner un confrère pour le représenter dans une affaire personnelle concourt à une bonne administration de la justice et, par conséquent, ne méconnaît pas les stipulations de l’article 6 de la CEDH.

En statuant ainsi, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi en cassation de M. K., confirmant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille et réaffirmant la primauté de l’indépendance et des règles procédurales pour assurer l’équité du système judiciaire.

Source : Conseil d’Etat, décision n° 4897432 du 10 novembre 2025.

Étiquetté :