Un pas décisif a été franchi pour la reconnaissance et la rémunération des auteurs-scénaristes de fiction en France. L’Arrêté du 16 octobre 2025 a officialisé l’extension de l’accord interprofessionnel sur les pratiques contractuelles entre auteurs-scénaristes et producteurs d’œuvres cinématographiques de long-métrage de fiction, signé la veille, le 15 octobre 2025. Cette extension rend les stipulations de l’accord obligatoires pour l’ensemble des entreprises de production et des auteurs-scénaristes du secteur.
Un accord historique pour l’encadrement des pratiques
Négocié entre les principales organisations de producteurs (API, SPI, UPC) et d’auteurs (SCA, SRF, ARP, SACD), cet accord est le fruit d’une volonté commune de préciser les pratiques contractuelles et, surtout, de garantir une rémunération minimale aux auteurs-scénaristes, conformément aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle (articles L. 132-25-1 et L. 132-25-2), issues de la transposition de la directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur dans le marché numérique.
L’accord s’applique aux contrats de commande et de cession, de droit français, concernant les œuvres cinématographiques de long-métrage de fiction destinées à une première exploitation commerciale en salles en France, à l’exclusion des documentaires et de l’animation.
Les mesures clés pour la reconnaissance de l’auteur
L’accord introduit plusieurs mécanismes visant à améliorer la transparence et la reconnaissance des auteurs-scénaristes :
1. La Fiche Généalogique d’Écriture (FGE) 📜
Le producteur délégué est désormais tenu d’établir et de mettre à jour une Fiche Généalogique d’Écriture (FGE). Ce document, annexé obligatoirement au contrat, retrace l’historique de toutes les contributions à l’écriture et au développement du scénario (noms des auteurs, des agents, dates des contrats). Un résumé de la FGE doit également être joint à chaque exemplaire du scénario destiné au financement et à la distribution artistique, assurant une traçabilité et une transparence accrues.
2. Une meilleure mention aux génériques et sur les outils de communication 🎬
L’accord renforce la visibilité des auteurs-scénaristes qui ont remis au moins trois étapes d’écriture :
- Aux génériques : Le nom de l’auteur-scénariste devra figurer au générique de début sur un carton dédié, dans les mêmes conditions que l’auteur-réalisateur et le producteur (personne physique). Au générique de fin, la mention doit être faite au plus tard après le nom des artistes-interprètes, de l’auteur-réalisateur et du producteur.
- Sur les outils de communication : Sur l’affiche du Film et la jaquette vidéographique (dans le Billing Block), le nom de l’auteur-scénariste doit apparaître en première place (hormis les artistes-interprètes au-dessus du Billing Block). L’auteur devra également être significativement mis en avant dans le dossier de presse.
Le Minimum Garanti Écriture Plancher (MGEP)
La mesure la plus structurante est l’institution du Minimum Garanti Écriture Plancher (MGEP), une rémunération minimale brute et acquise à l’auteur-scénariste, même en l’absence de mise en production de l’œuvre.
Nombre d’auteurs | MGEP par auteur | MGEP par scénario |
1 auteur | 17 000 € | 17 000 € |
2 auteurs | 13 600 € chacun | 27 200 € |
3 auteurs | 11 000 € chacun | 33 000 € |
Le MGEP est versé selon un échéancier rigoureux (15 % à la signature, 20 % à la remise de chaque version dialoguée jusqu’à la Vdef, 10 % pour la réécriture), assurant un flux de trésorerie minimal et prévisible pour l’auteur.
L’accord prévoit des exclusions pour le bénéfice du MGEP (auteurs au forfait, auteurs intervenant après l’étape 3, auteurs-scénaristes coproducteurs) et des exemptions de l’obligation de versement (producteurs émergents, coproductions internationales majoritairement étrangères).
L’indexation minimale : l’alignement sur l’envergure du projet
Pour proportionner la rémunération des auteurs à l’envergure financière du Film, l’accord instaure une indexation minimale versée en complément du minimum garanti (MG), due uniquement en cas de mise en production.
Cette indexation est calculée par l’application d’un taux (allant de 2,5 % à 3 % pour les œuvres originales en fonction de la couverture des frais généraux et du salaire producteur, et 2,5 % pour les adaptations) sur une assiette des financements externes (aides publiques, apports des coproducteurs, MG des mandataires, etc.) jusqu’à 6 millions d’euros. Au-delà, le taux est négocié de gré à gré.
Un élément crucial est la part garantie : l’auteur-scénariste bénéficiaire de l’indexation se voit garantir une part qui ne peut être inférieure à 50 % du montant de l’indexation calculé avant déduction des droits d’auteur déjà versés aux autres scénaristes (ceux qui ne bénéficient pas de l’indexation).
Dialogue sur l’intelligence artificielle et médiation
Dans une perspective plus large, les signataires se sont engagés à ouvrir un dialogue constructif et régulier sur les conditions de recours à l’intelligence artificielle dans l’écriture et le développement des projets, en vue de mettre en place des pratiques vertueuses.
Enfin, l’accord prévoit un cadre de résolution des différends, favorisant le recours à la médiation via l’Association de médiation et d’arbitrage des professionnels de l’audiovisuel (AMAPA), avant toute saisine des tribunaux.
Entrée en vigueur
Cet accord entrera en vigueur trois mois après sa signature, soit le 15 janvier 2026. Il est conclu pour une durée de trois ans, et il est renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives de trois ans, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des Parties.
Texte officiel : Arrêté du 16 octobre 2025, J.O. du 21.