Cette nouvelle loi a été publiée au Journal Officiel de ce samedi 25 octobre 2025. Elle marque la transposition législative des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et visant l’évolution du dialogue social. A titre de première approche, voici un résumé de ses principales dispositions :
Un dialogue social renforcé et une deuxième partie de carrière préparée
Négociations obligatoires sur l’emploi des salariés expérimentés
La loi instaure de nouvelles obligations de négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, tant au niveau des branches que des entreprises.
Au niveau des branches, les organisations liées par convention de branche devront se réunir tous les trois ans (Article 1) pour négocier sur :
- Le recrutement et le maintien dans l’emploi de ces salariés expérimentés.
- L’aménagement des fins de carrière (retraite progressive, temps partiel).
- La transmission des savoirs et compétences (mentorat, tutorat, mécénat de compétences).
Pour les entreprises de moins de 300 salariés, l’accord de branche pourra prévoir un plan d’action type applicable unilatéralement par l’employeur en l’absence d’accord d’entreprise.
Par ailleurs, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’employeur devra engager une négociation spécifique au moins une fois tous les quatre ans sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés. Cette négociation devra notamment aborder la prévention de l’usure professionnelle et la mobilisation du fonds d’investissement dédié.
L’entretien de parcours professionnel et la mi-carrière
La loi remplace l’ancien « entretien professionnel » par un nouvel « entretien de parcours professionnel » qui aura lieu tous les quatre ans (au lieu de six) et sera désormais déclenché systématiquement après la visite médicale de mi-carrière (prévue à 45 ans).
- Périodicité et Contenu : L’entretien se concentrera sur les compétences, les qualifications, les évolutions de carrière et les besoins de formation, sans évaluation du travail du salarié.
- Lien avec la Santé au Travail : L’entretien devra être organisé dans les deux mois suivant la visite de mi-carrière et aborder les mesures d’aménagement proposées, le cas échéant, par le médecin du travail.
- Préparation de la Retraite : Un entretien spécifique devra aborder les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière (temps partiel, retraite progressive) au cours des deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié.
Nouveaux contrats seniors et aménagements de fin de carrière
Contrat de Valorisation de l’Expérience (Article 4)
Afin de faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi seniors, la loi met en place, à titre expérimental pendant cinq ans, un Contrat de Valorisation de l’Expérience (CVE).
Il s’agit d’un CDI destiné aux demandeurs d’emploi remplissant simultanément les conditions suivantes :
- Être âgé d’au moins 60 ans (ou 57 ans si accord de branche étendu).
- Être inscrit comme demandeur d’emploi.
- Ne pas pouvoir bénéficier d’une retraite de base à taux plein.
- Ne pas avoir été employé par l’entreprise ou son groupe dans les six mois précédents.
L’employeur pourra mettre à la retraite le salarié dès qu’il remplira les conditions légales d’âge et de durée d’assurance pour une retraite à taux plein.
Enfin, l’employeur bénéficiera d’une exonération de la contribution due sur les indemnités de rupture liées à la mise à la retraite, et ce, jusqu’à la fin de la troisième année suivant la promulgation de la loi.
Faciliter les aménagements de fin de carrière (Articles 5 à 7)
Temps Partiel Senior (Article 5) : Les employeurs qui refusent la demande de réduction du temps de travail de salariés en fin de carrière devront désormais justifier que ce refus est lié aux conséquences de la réduction sur la continuité de l’activité ou aux difficultés de recrutement pour compenser cette réduction.
Affectation de l’indemnité de départ à la retraite (Article 6) : Un accord d’entreprise ou de branche pourra permettre au salarié de faire affecter son indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de sa rémunération s’il opte pour un passage à temps partiel en fin de carrière. Cette option permet également de bénéficier du dispositif de la retraite progressive.
Assurance chômage et transitions professionnelles
Aménagement des règles d’assurance chômage (Articles 9 et 10)
La loi ouvre la possibilité de moduler les règles de l’assurance chômage en tenant compte du fait que le demandeur d’emploi n’a jamais bénéficié de l’allocation ou n’en a plus bénéficié depuis un certain nombre d’années. De plus, les licenciements pour faute grave ou lourde et ceux après un arrêt maladie (L. 1226-2-1) seront désormais inclus dans le calcul de la contribution patronale.
Création d’une période de reconversion (Article 11)
Un nouveau dispositif de « Période de Reconversion » est créé pour tout salarié souhaitant une mobilité professionnelle interne ou externe.
- Objectif : Acquérir une qualification ou un bloc de compétences.
- Formation : Entre 150 et 450 heures sur 12 mois maximum (durées étendues possibles par accord).
- Reconversion Interne : Maintien du contrat et de la rémunération.
- Reconversion Externe : Suspension du contrat d’origine et conclusion d’un CDD d’au moins six mois ou d’un CDI dans l’entreprise d’accueil, avec période d’essai. En cas de succès de l’essai, le contrat d’origine est rompu par rupture conventionnelle ou d’un commun accord. En cas d’échec, le salarié retrouve son poste ou un poste équivalent dans l’entreprise d’origine.
- Négociation : La mise en œuvre des périodes de reconversion externe est encadrée par une obligation de négociation dans les entreprises de 50 salariés et plus.
Financement de la période de reconversion (Articles 11 & 13)
Le nouveau dispositif de la Période de Reconversion se dote d’un mécanisme de financement spécifique géré par les Opérateurs de Compétences (OPCO), et qui mobilise le Compte Personnel de Formation (CPF) du salarié.
- Rôle des OPCO (Art. L. 6332-14-1) : Les OPCO prennent en charge les frais pédagogiques de ces périodes. Ils peuvent également couvrir les frais annexes à la formation et la rémunération du salarié, sous réserve d’un accord collectif (d’entreprise ou de branche).
- Mobilisation du CPF (Art. L. 6324-10) :
- Le cofinancement des actions de formation est possible par la mobilisation du CPF du salarié, avec son accord.
- Pour une reconversion interne, le montant mobilisé est limité à la moitié des droits inscrits sur le CPF.
- Pour une reconversion externe, la mobilisation des droits n’est pas limitée.
- Critères de Financement : Les branches professionnelles définissent les niveaux de prise en charge, en respectant une dotation allouée par France compétences. Les critères d’attribution des fonds par les Opco sont notamment liés à l’ancienneté, à l’âge des salariés, aux mutations de l’activité et au risque d’obsolescence des compétences.
- Entrée en Vigueur : Ces dispositions relatives au financement entreront en vigueur au 1er janvier 2026.
Nouvelle gouvernance de la formation et des transitions
La loi réorganise également la gouvernance nationale de l’orientation et de la formation professionnelles.
Création du Conseil National de l’Orientation et de la Formation Professionnelles pour le Développement des Compétences (Article 12)
Un nouveau Conseil national de l’orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences est rétabli, placé auprès du ministre chargé de la formation professionnelle (entrée en vigueur le 1er janvier 2026).
- Missions : Ce conseil doit favoriser la concertation et la coordination nationales en matière d’orientation et de formation professionnelles, et contribuer au débat public par le suivi d’études et d’évaluations.
- Composition : Il est composé de représentants de l’État, des Régions, des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives.
Refonte de la gestion des projets de transition professionnelle (Article 13)
La loi crée également une nouvelle Instance Paritaire Nationale (IPN) pour animer le réseau des Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales (CPIR), gérant notamment l’ancien Congé Individuel de Formation (maintenant Projet de Transition Professionnelle – PTP).
- Instance Paritaire Nationale (IPN) (Art. L. 6323-17-5-1) :
- Cette association, composée des partenaires sociaux (organisations syndicales et professionnelles d’employeurs), est agréée par l’État.
- Ses missions principales sont d’animer et coordonner le réseau des CPIR, de définir les orientations nationales (règles, critères et priorités) pour le financement des PTP, et d’en répartir les fonds.
- Elle est soumise à une Convention Pluriannuelle d’Objectifs et de Moyens avec l’État et à un contrôle économique et financier.
- Transparence et Prévention des Conflits d’Intérêts : Des règles sont établies pour les membres de l’IPN afin de prévenir les conflits d’intérêts et d’assurer la transparence de la gouvernance (déclaration d’intérêts obligatoire).
Entrée en vigueur
La LOI n° 2025-989 du 24 octobre 2025 est publiée ce jour au Journal Officiel du 25 octobre, signifiant son entrée en vigueur immédiate pour la plupart de ses dispositions. Cependant, des dates différées sont prévues pour l’application de certaines mesures clés :
- le nouveau dispositif d’entretien de parcours professionnel (Titre II) ne s’appliquera aux accords collectifs qu’à partir du 1er octobre 2026.
- les dispositions encadrant la Période de Reconversion et la création du Conseil national de l’orientation et de la formation professionnelles (Titres VII et III, partie II) ainsi que la réforme de leur financement (Opco) entreront en vigueur au 1er janvier 2026.
- Enfin, la nouvelle structure de la gouvernance nationale des transitions professionnelles (IPN) prévoit des entrées en vigueur échelonnées jusqu’au 1er janvier 2028 pour certaines missions spécifiques.






