Publiée au Journal Officiel de ce 7 novembre 2025, la Loi n° 2025-1057 marque un tournant majeur dans la lutte contre les violences sexuelles en France. Cette réforme modifie la définition pénale du viol et des agressions sexuelles en introduisant explicitement la notion de non-consentement dans le Code pénal.
⚖️ Le non-consentement comme pilier de la définition
Le changement le plus significatif réside dans la refonte de l’Article 222-22 du Code pénal, qui définit désormais les agressions sexuelles et, par extension, le viol (qui est un acte de pénétration).
1. Nouvelle définition pénale
L’agression sexuelle n’est plus définie par « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » mais par :
« tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur »
Le viol, impliquant une pénétration, est dorénavant caractérisé par tout acte de pénétration sexuelle non consenti.
2. Encadrement de la notion de consentement
La nouvelle loi fournit une définition précise et encadrée du consentement, constituant un nouveau cadre d’analyse pour l’enquête et le jugement :
- Le consentement doit être libre et éclairé.
- Il doit être spécifique (donné pour un acte précis) et préalable à l’acte.
- Il est explicitement révocable à tout moment.
- Crucial : il « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».
L’appréciation du consentement devra se faire au regard des circonstances.
3. Maintien des critères existants
Les critères historiques ne disparaissent pas ; ils sont désormais intégrés comme des cas où l’absence de consentement est irréfutable :
- « Il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature. »
📝 Conséquences pratiques pour les professionnels
Cette réforme implique un changement de paradigme, déplaçant l’accent de la preuve de la violence ou de la résistance de la victime vers la preuve de l’absence de consentement.
- Forces de l’Ordre et Enquêteurs : L’enquête ne devra plus se concentrer uniquement sur le comportement de la victime ou sur la recherche d’une violence physique. Elle devra s’attacher à caractériser l’absence de consentement et à déterminer si l’auteur présumé a mis en place des « mesures raisonnables pour recueillir le consentement ». Les situations de sidération, d’emprise, d’inconscience ou de sommeil devront être prises en compte pour établir l’absence de consentement.
- Magistrats et Juridictions : La qualification de l’infraction sera fondée sur le non-consentement. Cette base légale vise à mieux couvrir les situations d’exploitation de la vulnérabilité (faiblesse, inconscience, ou sommeil de la victime) ou de coercition sans violence physique manifeste. Cela devrait pallier l’impossibilité de poursuivre ou de condamner lorsque l’élément de violence, contrainte, menace ou surprise n’était pas suffisamment caractérisé selon l’ancienne définition.
- Avocats et parties civiles : la nouvelle définition offre un levier légal plus fort pour les victimes n’ayant pas pu réagir ou n’ayant pas subi de violence caractérisée, facilitant ainsi leur reconnaissance comme victimes d’une agression ou d’un viol.
🌐 Élargissement des actes et application Outre-Mer
La loi apporte également une précision sur les actes concernés et étend son application :
- Élargissement des actes sexuels : Les articles 222-23 (viol) et 222-23-1 et 222-23-2 (agressions sexuelles aggravées) sont modifiés pour insérer les mots « ou bucco-anal » après « bucco-génital », couvrant ainsi explicitement ce type de pénétration ou d’atteinte.
- Applicabilité : La loi est rendue applicable, par modification des articles 711-1 du Code pénal et 804 du Code de procédure pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
🎯 Objectif de la Réforme
Comme l’indique l’Exposé des Motifs, cette loi répond à plusieurs impératifs :
- Répondre à l’impunité : Face au nombre massif de violences sexuelles et au taux élevé de classements sans suite (73% en 2018), le droit pénal se veut plus efficace.
- S’aligner sur les normes internationales : La réforme met le droit français en conformité avec la Convention d’Istanbul (Conseil de l’Europe), qui fonde la définition du viol sur l’absence de consentement.
- Fonction expressive de la loi : Elle vise à passer d’une « culture du viol » (qui questionne la réaction de la victime) à une « culture du consentement » (qui impose à l’auteur de s’assurer du consentement libre et éclairé de l’autre).
En conclusion, cette loi opère une mutation profonde, visant à renforcer la protection des victimes et à améliorer la lisibilité et l’efficacité de la réponse pénale.
Entrée en vigueur
Cette loi entre en vigueur dès le lendemain de sa parution au Journal Officiel, soit dès le 8 novembre 2025.
Texte original : Loi n° 2025-1057 du 6 novembre 2025, J.O. du 7.







