Paris, le 4 novembre 2025 – Le Conseil d’État, par sa décision n° 499693 du 4 novembre 2025, a rejeté les recours en annulation formés contre le décret n° 2024-954 du 23 octobre 2024. Ce décret met en place un régime transitoire pour autoriser les Infirmiers Diplômés d’État (IDE) à accomplir certains actes et activités en bloc opératoire qui sont, en principe, la compétence exclusive des Infirmiers de Bloc Opératoire Diplômés d’État (IBODE).
Contexte : une compétence exclusive en sursis
Depuis le décret du 27 janvier 2015, l’article R. 4311-11-1 du Code de la santé publique réserve aux IBODE la compétence exclusive pour effectuer des actes essentiels en bloc opératoire, tels que l’installation chirurgicale du patient, la mise en place de drains, la fermeture sous-cutanée et cutanée, ainsi que l’aide à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration (actes dits « péri-opératoires »).
Toutefois, en raison des difficultés à disposer d’un nombre suffisant d’IBODE pour assurer le bon fonctionnement des blocs opératoires, le Conseil d’État a annulé à plusieurs reprises les dispositifs transitoires successifs qui ne permettaient pas de garantir une continuité de service. Dans sa décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’État avait enjoint au Premier ministre d’adopter de nouvelles dispositions réglementaires transitoires propres à assurer le bon fonctionnement des blocs opératoires.
Le décret attaqué et les recours
Le décret du 23 octobre 2024 a été pris pour exécuter cette décision. Il institue une dérogation permettant aux IDE de réaliser, à titre temporaire ou définitif et sous réserve de formation, la totalité des actes réservés aux IBODE.
Deux requérants, l’association Collectif Inter-Blocs et l’Union des chirurgiens de France et le syndicat Le Bloc, ont demandé l’annulation de ce décret pour excès de pouvoir, soulevant des moyens tirés :
- De l’illégalité externe (non-respect des règles de consultation).
- De l’illégalité interne, notamment sur le caractère non transitoire du dispositif, sa durée excessive (jusqu’au 31 décembre 2031), le non-respect du principe de sécurité juridique, et une prétendue méconnaissance du droit à la santé et de la continuité des soins.
⚖️ L’analyse et la validation du Conseil d’État
Le Conseil d’État a rejeté l’intégralité des moyens soulevés.
1. Nécessité et caractère transitoire du dispositif
Le Conseil d’État a relevé qu’environ 23.700 infirmiers exercent actuellement en bloc opératoire pour seulement 8.800 IBODE. Compte tenu du nombre d’infirmiers à former et de la capacité limitée des centres de formation (environ 800 nouveaux IBODE par an), le bon fonctionnement des blocs opératoires nécessite que la quasi-totalité des infirmiers y exerçant soient autorisés à accomplir les actes en question.
Le Conseil d’État a jugé : « Dans ces conditions, en instituant une dérogation permettant aux infirmiers diplômés d’État de réaliser à titre temporaire ou définitif, sous réserve de formation, la totalité des actes réservés aux infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État, le pouvoir réglementaire n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation. »
Le Conseil d’État a également confirmé que la période transitoire, courant jusqu’en 2031, n’était pas excessivement longue, car elle est nécessaire pour que la profession puisse s’adapter progressivement aux exigences de la réforme de 2015.
2. Sécurité juridique et compétence des IDE
Les juges ont examiné les modalités d’autorisation préfectorale (provisoire ou définitive) qui permettent aux IDE de déroger à la compétence exclusive. Ils ont conclu que le dispositif mis en place, malgré ses complexités (délais implicites d’acceptation, possibilité de présenter une nouvelle demande en cas de refus), ne crée pas d’incertitude pour les professionnels de santé ou les établissements de santé quant à la légalité de l’accomplissement des actes.
De plus, le Conseil d’État a estimé que les critères d’éligibilité (justifier d’au moins un an d’exercice en bloc opératoire au cours des trois dernières années) et la nécessité de suivre une formation complémentaire garantissent une compétence professionnelle suffisante pour les IDE concernés, écartant ainsi toute méconnaissance du droit à la santé ou une erreur manifeste d’appréciation sur la qualité des soins.
Conclusion
Par cette décision, le Conseil d’État valide le décret du 23 octobre 2024 et confirme le régime transitoire permettant aux Infirmiers Diplômés d’État (IDE) ayant une expérience en bloc opératoire de continuer à exercer les actes péri-opératoires, en attendant que les capacités de formation permettent d’atteindre un nombre suffisant d’IBODE pour assurer, à terme, la pleine application du principe de la compétence exclusive.
Texte original : Conseil d’Etat, décision n° 499693 du 4 novembre 2025.







