Le livre-enquête « Les Charognards, pompes funèbres : enquête sur le business de la mort » de Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse (Éditions du Seuil) a suscité une vive réaction en mettant en lumière certaines dérives d’un marché funéraire dominé par la recherche de rentabilité. Les professionnels se défendent.
Le cœur de l’enquête : la tension entre éthique et profit
L’ouvrage repose sur un constat central qui n’a rien de nouveau et que les professionnels connaissent bien : la dualité inhérente au métier. D’une part, les pompes funèbres incarnent une mission d’accompagnement essentielle des familles en deuil. D’autre part, elles opèrent au sein d’un marché évalué à 3 milliards d’euros par an, où la concurrence et les impératifs financiers sont réels, notamment pour les grands groupes.
L’enquête dénonce un « système de marchandisation » qui s’installerait lorsque la logique de profit prend le pas sur l’éthique du soin et du respect, ciblant notamment la pression sur le personnel et l’opacité des tarifs.
Les réactions des géants du secteur : OGF et Funecap
Les deux principaux groupes cités dans l’enquête, OGF et Funecap ont tenu à répondre aux éléments soulevés par les journalistes auprès du Point. Leurs réactions offrent une perspective importante sur la manière dont les opérateurs majeurs perçoivent ces accusations.
OGF : reconnaissance des fautes isolées, mais rejet de la caricature
Le groupe OGF a déclaré par écrit que « les premiers extraits [du livre] rendus publics décrivent des situations effectivement inacceptables », reconnaissant que celles-ci « vont à l’encontre des règles et pratiques les plus élémentaires dans un métier particulièrement encadré ».
Toutefois, OGF insiste sur la nature exceptionnelle de ces incidents : « Ces très rares situations, relevant d’erreurs isolées et déjà connues, ne reflètent absolument pas le travail des 26 000 salariés du secteur qui accompagnent toute l’année les familles… » Le groupe regrette un « regard aussi caricatural et trompeur sur la réalité du secteur et de ses opérateurs », soulignant que « plus de 9 Français sur 10 se disent satisfaits de l’accompagnement ».
Funecap : absence de dysfonctionnement systémique et gestion des erreurs
De son côté, Funecap a affirmé qu’« Aucun dysfonctionnement systémique dans le secteur ou notre entreprise n’existe ni n’a été relevé par les auteurs. »
Le groupe minimise l’ampleur des cas rapportés en précisant que « les quelques situations évoquées (sur sept ans et sur 700 000 inhumations et crémations durant cette période) […] avaient été traitées avec diligence, transparence et respect ». Funecap a également exprimé ses profonds regrets pour les erreurs avérées et a indiqué avoir présenté ses excuses aux familles concernées. Funecap conclut en défendant l’engagement quotidien de ses 3 500 collaborateurs, estimant que « le titre même de ce livre démontre une profonde incompréhension de la réalité de cette profession. »
Entre Vigilance et Reconnaissance
Pour les professionnels, la confrontation de l’enquête aux réactions des opérateurs met en lumière deux impératifs :
- L’Impératif de Vigilance : Même si les situations inacceptables sont qualifiées de « rares » ou « isolées » par les opérateurs, leur existence même justifie la nécessité d’une transparence absolue et d’une régulation accrue. La profession doit soutenir les initiatives visant à renforcer les contrôles et les sanctions contre les abus.
- L’Impératif de Reconnaissance : Le livre est une invitation à valoriser les efforts des milliers de salariés qui exercent leur métier avec exigence, dignité et humanité. Les entreprises qui placent l’éthique au centre de leur modèle d’affaires doivent se différencier en prouvant la qualité de leur accompagnement et la clarté de leurs coûts, pour contrer l’image négative des « Charognards » et consolider la crédibilité de l’ensemble du secteur funéraire.
En définitive, Les Charognards est moins une attaque contre les professionnels dévoués qu’un miroir critique sur les conséquences de la concentration et de la financiarisation. Il appartient au secteur d’utiliser cette critique comme un levier pour renforcer son éthique et garantir que l’accompagnement du deuil reste une priorité, au-delà de la seule rentabilité.
