Paris, le 14 octobre 2025 – La Cour de cassation vient de rendre une décision très importante pour la liberté de la presse et la protection de l’honneur : on ne peut pas diffamer quelqu’un en se cachant derrière des allusions ou des périphrases.
L’idée centrale : se sentir visé(e) suffit
Selon les juges de la haute Cour, un propos diffamatoire n’a pas besoin de nommer clairement la victime pour que celle-ci puisse porter plainte.
Si la désignation (par exemple, « l’ancienne collaboratrice parlementaire de M. X ») est suffisamment précise pour que :
- La personne se reconnaisse elle-même.
- Un petit groupe de gens (un « cercle restreint ») puisse l’identifier.
Alors la victime a tout à fait le droit d’attaquer l’auteur des propos en justice pour diffamation.
L’affaire jugée
Le litige qui a aboutit à cette décision de la Cour de cassation concernait une ancienne assistante parlementaire qui avait été visée par le maire de sa ville. Le maire avait publié sur un réseau social les propos suivants : « Entre temps, l’ancienne collaboratrice parlementaire de l’ex député-maire, lequel l’a vraisemblablement téléguidée, a insulté et provoqué des agents municipaux. Hurlements et grossièreté de sa part n’ont fait qu’empirer la situation dans le hall avant qu’elle ne soit évacuée de force ».
La Cour d’appel avait estimé que la victime n’était pas formellement identifiée (elle n’était pas la seule à avoir été collaboratrice de l’ancien député) et elle avait donc relaxé le maire.
Mais la Cour de cassation a annulé cette relaxe. Elle a jugé que le seul fait que cette dame ait été l’une des assistantes du député en question lui donnait le droit de « s’estimer visée » et d’attaquer l’auteur des propos.
Ce qu’il faut retenir
Que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, dès lors qu’un propos jette le soupçon et permet l’identification par la personne elle-même (même si elle n’est pas nommée) ou par un cercle minimal de lecteurs, l’auteur s’expose à des poursuites.
En outre, la Cour ajoute qu’il se déduit de l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que, lorsque les imputations ont été formulées sous une forme allusive ou déguisée de manière à faire planer le soupçon sur plusieurs personnes, chacune de celles-ci a qualité pour agir en diffamation.
Source : Cour de cassation, Pourvoi n° 24-86.603, 14 octobre 2025, publié au bulletin.