Villages de vacances : fin de l’exonération de TVA pour les locaux des employés intégrés au bail commercial

Le Conseil d’État vient de rendre un avis important à propos des règles d’assujettissement à la TVA pour les locations de locaux meublés à usage commercial, notamment dans le secteur de l’hôtellerie et des villages de vacances.


La règle de base

La règle de base, issue de la directive européenne TVA, est que chaque prestation ou livraison doit être considérée comme distincte et indépendante. Cependant, pour éviter de décomposer artificiellement une opération, la CJUE (arrêt Frenetikexito du 24 mars 2021) a établi des critères permettant de reconnaître une prestation unique sur le plan économique.

1. La prestation unique « indissociable »

Une prestation est jugée unique et indissociable lorsque plusieurs éléments sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique. L’analyse se place du point de vue du consommateur moyen (ici, le preneur du bail).

  • Critères intellectuels et décisifs : Ils visent à établir le caractère indissociable et la finalité économique unique de l’opération.
  • Critères matériels et non décisifs : Ils peuvent venir en soutien, comme l’existence d’une facturation unique ou l’accès conjoint aux services.

2. La prestation unique « principale et accessoire »

Une opération constitue également une prestation unique lorsque l’un des éléments est la prestation principale et l’autre une prestation accessoire qui partage son sort fiscal.

  • Critère de l’absence de finalité autonome : La prestation accessoire ne doit pas être une fin en soi pour le client, mais seulement le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal.
  • Critère de la valeur : La valeur de la prestation accessoire est souvent minime, voire marginale, par rapport à la prestation principale.

Application au cas des villages de vacances

Le Conseil d’État a appliqué cette grille d’analyse à un cas de location par bail commercial de deux immeubles (A et B) par une société, tous deux destinés à l’exploitation d’un village de vacances, mais avec des usages différenciés pour le logement du personnel.

Selon l’article 261 D du Code général des impôts (CGI), la location de locaux meublés à l’exploitant d’un village de vacances est soumise à la TVA (assimilée à une activité hôtelière), tandis que la location de locaux destinés au logement des employés de ce preneur est en principe exonérée de TVA.

1. L’Immeuble A : une soumission globale à la TVA

L’immeuble A était destiné à l’accueil du village de vacances, mais comprenait aussi des chambres pour le personnel.

Le Conseil d’État a considéré que la location de l’ensemble des locaux de l’immeuble A concourait à la même finalité économique pour le preneur : l’exploitation du village de vacances. Le fait que le bail portait sur l’ensemble sans distinction ni loyer distinct pour les chambres du personnel a mené à la conclusion que la location de ces chambres était indissociable de celle des chambres des vacanciers.

Résultat : La location de l’Immeuble A constitue une opération complexe unique et est intégralement soumise à la TVA.

2. L’Immeuble B : Une prestation accessoire soumise à la TVA

L’immeuble B, entièrement dédié au logement du personnel, était situé à proximité immédiate du village de vacances.

Bien que la location pour le logement du personnel soit en principe exonérée, le Conseil d’État a jugé qu’elle constituait, du point de vue de l’exploitant, uniquement un moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale (la location de l’immeuble A pour le village de vacances).

De plus, la valeur du loyer de l’immeuble B était minime par rapport au loyer total des deux immeubles.

Résultat : La location de l’Immeuble B est considérée comme une prestation accessoire non indépendante de la location de l’Immeuble A et doit, par conséquent, elle aussi être soumise à la TVA.


Conclusion et portée de l’avis

Cet avis du Conseil d’État rappelle la primauté de la finalité économique d’une opération telle qu’analysée du point de vue du preneur, sur l’application des règles de TVA. Même si une composante d’un bail (comme le logement du personnel) serait normalement exonérée de TVA, si elle est jugée accessoire ou indissociable de la prestation principale soumise à la TVA (la location du village de vacances), l’ensemble de l’opération sera soumis à la TVA. Cet avis concerne directement les professionnels de l’immobilier commercial et de l’hôtellerie.

Texte officiel : Conseil d’Etat, analyse n°492157, 8 octobre 2025 (Mentionné aux tables du recueil Lebon).

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