Dans un arrêt du 7 octobre 2025, la Cour de cassation s’est prononcée sur la légalité de l’exigence de qualification professionnelle pour l’exercice du parage équin, un acte essentiel dans l’entretien des équidés. Annulant partiellement la décision d’une Cour d’appel, elle réaffirme que la réglementation de cette activité est justifiée par l’objectif d’intérêt général de maintien de la santé animale 🐴.
Le litige : exercice illégal et liberté d’entreprendre
L’affaire opposait une organisation professionnelle de maréchaux-ferrants à une personne qui était poursuivie pour exercice illégal de la profession de maréchal-ferrant pour avoir accompli des actes de parage sans le diplôme requis.
Rappel : conformément à l’article L.121-1 du code de l’artisanat, l’activité de maréchal-ferrant ne peut être exercée que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci. Et conformément à l’article R.121-1, ne sont reconnues qualifiées professionnellement que les personnes qui sont titulaires d’un CAP, d’un BEP ou d’un diplôme ou titre de niveau égal ou supérieur homologué ou enregistré lors de sa délivrance au répertoire national des certifications professionnelles, et à condition que ces diplômes ou titres attestent d’une qualification dans le métier ou dans la partie d’activité en cause, en l’occurrence celle de maréchal-ferrant. Le fait d’exercer à titre indépendant ou de faire exercer par l’un de ses collaborateurs l’activité de maréchal-ferrant sans disposer de la qualification professionnelle requise, constitue un délit qui est sanctionné par une amende de 7.500 €, + la fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés + l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée.
Mais en première instance toutefois, le tribunal correctionnel, puis la Cour d’appel, avaient débouté l’organisation professionnelle de maréchaux-ferrants, estimant que :
- Le parage équin est un simple acte d’entretien, et non médical, ne requérant pas une haute technicité.
- La formation de maréchal-ferrant n’apporte pas de « plus-value » particulière pour le parage, car leur mission principale est jugée être le ferrage.
- La restriction à l’activité de parage était donc disproportionnée au regard de l’intérêt général des animaux.
Erreur : le parage est un acte de soin justifiant une qualification
L’organisation professionnelle de maréchaux-ferrants se pourvoit en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir méconnu la marge d’appréciation des États membres de l’UE pour réglementer les professions et d’avoir sous-estimé la technicité du parage équin, qui est une mission centrale du maréchal-ferrant.
Et la Cour de cassation lui donne raison.
En se fondant en effet sur la directive européenne 2018/958 relative au contrôle de proportionnalité des réglementations de professions, elle énonce clairement qu’une exigence de qualification professionnelle pour l’exercice de certaines activités doit être justifiée par des objectifs d’intérêt général, parmi lesquels figure le maintien de la santé publique, y compris celle des animaux.
Elle contredit donc directement l’interprétation de la Cour d’appel.
En qualifiant le parage d’« acte de soin » (et non de simple « acte d’entretien »), elle établit que la réglementation de cette activité par le code de l’artisanat est justifiée et proportionnée à l’objectif de protection de la santé animale. La Cour d’appel a donc méconnu la portée du droit européen en déclarant ce texte inapplicable.
L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Poitiers pour qu’elle réexamine l’existence de fautes civiles et les demandes de dommages et intérêts de l’organisation professionnelle, en partant du principe que la réglementation de la profession de maréchal-ferrant, incluant le parage, est bien légale.
Un rappel sur la proportionnalité des réglementations
Cette décision est un rappel fondamental du rôle des États membres dans la régulation des professions. Si la liberté d’entreprendre est un principe fondamental du droit de l’Union européenne, elle n’est pas absolue. Elle peut être limitée par des exigences professionnelles, à condition que celles-ci soient justifiées par un objectif d’intérêt général (comme la santé animale) et qu’elles soient proportionnées à cet objectif. La Cour de cassation confirme ici que l’expertise d’un maréchal-ferrant diplômé pour le parage des équidés est un moyen proportionné d’assurer la bonne santé des animaux.
Le renvoi devant une nouvelle cour d’appel déterminera désormais les conséquences civiles de ces actes de parage effectués sans la qualification professionnelle requise.
Texte officiel : Cour de cassation, 7 octobre 2025, pourvoi n° 23-86.573, publié au bulletin.