Et la diffĂ©rence est de taille puisque si la première et condamnable au civil, l’usurpation de titre est condamnable Ă la fois au civil et au pĂ©nal !
C’est l’amère expĂ©rience que vient de connaĂ®tre un mĂ©decin dĂ©finitivement condamnĂ© par la Cour de cassation ce matin (9/12/2025).
I. Le contexte : Échographie sans le Diplôme Interuniversitaire (DIU) requis
L’affaire soumise Ă la Cour concernait un mĂ©decin gynĂ©cologue obstĂ©tricien qui avait rĂ©alisĂ© des Ă©chographies obstĂ©tricales au cours d’une grossesse ayant abouti Ă la naissance d’un enfant atteint de trisomie 21, non dĂ©celĂ©e.
Le point de droit pĂ©nal central rĂ©sidait dans le fait que ce praticien ne dĂ©tenait pas le DIU d’Ă©chographie pourtant exigĂ© par l’arrĂŞtĂ© du 23 juin 2009.
Le mĂ©decin, initialement condamnĂ© par le tribunal correctionnel, contestait la qualification d’usurpation de titre. Son argument Ă©tait que, Ă©tant un praticien rĂ©gulièrement inscrit Ă l’Ordre, le fait d’avoir pratiquĂ© un examen excĂ©dant sa compĂ©tence relevait d’un manquement dĂ©ontologique ou d’une faute civile, mais ne pouvait tomber sous le coup de l’incrimination pĂ©nale d’usurpation de titre au sens de l’article 433-17 du Code pĂ©nal.
II. L’analyse de la Cour : Le titre rĂ©glementaire est une condition d’exercice
La Cour de cassation a rejetĂ© l’argument du praticien, confirmant la condamnation pĂ©nale :
- Le caractère officiel du titre : Elle a rappelĂ© que l’arrĂŞtĂ© du 23 juin 2009 rendait l’obtention du DIU d’Ă©chographie obligatoire pour certains mĂ©decins. L’exigence de ce diplĂ´me rĂ©sulte donc de dispositions rĂ©glementaires ayant force obligatoire.
- L’usage d’une fausse qualitĂ© : La Cour a relevĂ© que le mĂ©decin avait sciemment usĂ© d’une fausse qualitĂ© en utilisant un numĂ©ro d’identifiant supposant qu’il dĂ©tenait ce DIU sur ses comptes-rendus.
- L’usurpation caractĂ©risĂ©e : En statuant ainsi, la Cour a jugĂ© que le professionnel avait bien caractĂ©risĂ© l’usage, sans droit, d’un diplĂ´me officiel dont les conditions d’attribution sont fixĂ©es par l’autoritĂ© publique.
🛑 Message de vigilance : Pour un professionnel de santĂ©, l’autorisation d’exercer (inscription ordinale) et l’autorisation de pratiquer un acte technique spĂ©cifique (diplĂ´me complĂ©mentaire ou qualification spĂ©cialisĂ©e) sont deux notions distinctes. Le non-respect de la deuxième, si elle est d’origine rĂ©glementaire, peut engager la responsabilitĂ© pĂ©nale pour usurpation, mĂŞme si la première est respectĂ©e.
III. Conséquences civiles : Confirmation du régime restrictif de responsabilité
L’arrĂŞt a Ă©galement fourni des Ă©claircissements sur l’indemnisation des prĂ©judices des parents, rĂ©gie par l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles (CASF).
A. Maintien des principes de la Loi L. 114-5 du CASF
La Cour réaffirme deux principes fondamentaux :
- Exclusion de l’enfant : L’enfant nĂ© avec un handicap non dĂ©celĂ© ne peut ĂŞtre indemnisĂ©. La faute du mĂ©decin, mĂŞme pĂ©nale et intentionnelle (usurpation de titre), n’a aucune incidence sur l’applicabilitĂ© de ce rĂ©gime qui prohibe l’indemnisation du prĂ©judice du « seul fait de sa naissance ».
- RĂ´le de la solidaritĂ© nationale : Les charges particulières dĂ©coulant du handicap de l’enfant (y compris le reste Ă charge pour l’assistance par une tierce personne) relèvent exclusivement de la solidaritĂ© nationale et ne peuvent ĂŞtre mises Ă la charge du professionnel fautif.
B. L’Ă©largissement de l’indemnisation des prĂ©judices parentaux
Par contre, la Cour de cassation a censurĂ© les juges du fond qui avaient limitĂ© l’indemnisation de la mère Ă son seul prĂ©judice moral.
Elle a rappelĂ© que le prĂ©judice des parents, en cas de faute caractĂ©risĂ©e du professionnel, n’est pas limitĂ© aux prĂ©judices extrapatrimoniaux (moral). Il peut inclure :
- La réparation des frais de suivi psychologique des parents.
- L’incidence professionnelle (pertes de salaires) subie par un parent contraint de cesser ou de modifier son activitĂ© pour s’occuper de l’enfant handicapĂ©.
Le régime de réparation, bien que limité, couvre donc les conséquences économiques et psychologiques directes sur la vie personnelle et professionnelle des parents.
IV. En résumé
Cet arrĂŞt est un signal fort pour l’ensemble de la profession :
- VĂ©rification des titres : il rappelle qu’il est essentiel pour le mĂ©decin de dĂ©tenir tous les diplĂ´mes et qualifications requis par la rĂ©glementation en vigueur pour l’ensemble des actes qu’il pratique, en particulier ceux faisant l’objet d’arrĂŞtĂ©s spĂ©cifiques (comme l’Ă©chographie).
- SĂ©paration des responsabilitĂ©s : Le statut de professionnel inscrit Ă l’Ordre protège de l’exercice illĂ©gal de la mĂ©decine, mais pas de l’usurpation de titre ou de qualitĂ© si un diplĂ´me spĂ©cifique est omis.
La cause a Ă©tĂ© renvoyĂ©e devant la Cour d’appel de Bordeaux pour réévaluer l’indemnisation de la mère, mais la condamnation pĂ©nale du mĂ©decin pour usurpation est en revanche dĂ©finitive.
Texte officiel : Cour de cassation, Chambre criminelle, 9 décembre 2025 ; Pourvoi n° 24-84.250. Publié au bulletin.







