Syndics de copropriétés et charges impayées : la Cour de cassation restreint le recours à la procédure de recouvrement accélérée

La Cour de cassation vient de rendre une décision importante pour les syndics de copropriété confrontés à des problèmes de charges impayées.

Le texte en question

Le litige reposait sur l’interprétation de l’article 19-2 de la loi du n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Cet article, qui prévoit une procédure accélérée de recouvrement des charges, est rédigé comme suit :

Article 19-2 : A défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application du même article 14-1 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.

Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l’approbation par l’assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.

Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l’article 14-2-1.

Lorsque la mesure d’exécution porte sur une créance à exécution successive du débiteur du copropriétaire défaillant, notamment une créance de loyer ou d’indemnité d’occupation, cette mesure se poursuit jusqu’à l’extinction de la créance du syndicat résultant de l’ordonnance.

Si l’assemblée générale vote pour autoriser le syndic à agir en justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d’un lot d’un copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat, la voix de ce copropriétaire n’est pas prise en compte dans le décompte de la majorité et ce copropriétaire ne peut recevoir mandat pour représenter un autre copropriétaire en application de l’article 22.

Le cas d’espèce : charges de services impayées

Dans l’affaire jugée, le syndicat des copropriétaires d’une résidence-services avait assigné des copropriétaires en paiement de provisions pour charges de services pour les exercices allant de 2018 à 2021.

Pour justifier sa demande, le syndicat invoquait l’approbation des budgets prévisionnels de ces services par l’assemblée générale et… la Cour d’appel avait fait droit à sa demande.

Censure de la Cour de cassation

La Cour de cassation, au contraire, rappelle avec force la distinction entre les provisions de l’exercice en cours et les sommes définitives des exercices précédents, au regard de l’article 19-2 de la loi de 1965 et de l’article 45-1 du décret de 1967 :

1. 🟢 Cas des Provisions pour l’Année en Cours

L’action en recouvrement accéléré (article 19-2) est recevable pour les charges provisionnelles et pour les sommes dues au fonds travaux, dès lors qu’elles sont exigibles (après mise en demeure infructueuse).

2. 🔴 Cas des Arriérés d’Exercices Précédents

Concernant les sommes restant dues au titre des exercices passés (charges définitives), la Cour est formelle :

  • L’action en recouvrement accéléré n’est recevable qu’après l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale des copropriétaires.
  • L’approbation du seul budget prévisionnel de l’exercice concerné ne suffit pas à rendre exigibles les arriérés de charges définitives. Seule l’approbation des comptes clôturés permet de déterminer le solde définitif des charges incombant au copropriétaire.

La Cour de cassation reproche donc à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si les comptes du syndicat pour les exercices 2018 à 2020 avaient été approuvés par l’assemblée générale. Sans cette approbation, le syndicat n’était pas recevable à agir pour les arriérés de ces années-là.

🎯 Conséquences pour les Syndics

Cette décision est un rappel essentiel de la rigueur comptable et juridique à laquelle sont soumis les syndics :

  • Vérification de l’Exigibilité : Avant d’assigner un copropriétaire défaillant sur le fondement de l’article 19-2 pour des arriérés de charges, le syndic doit impérativement vérifier l’existence et la date du procès-verbal d’assemblée générale approuvant les comptes annuels des exercices concernés.
  • Sécurisation de la Procédure : L’absence d’approbation des comptes pour les exercices antérieurs rend l’action en recouvrement irrecevable pour ces montants. La procédure accélérée, pourtant conçue pour l’efficacité, ne saurait dispenser le syndic du respect des règles fondamentales d’exigibilité de la créance.

D’où l’intérêt, pour les copropriétaires, d’approuver les comptes dans les délais, faute de quoi les arriérés de charges définitives ne pourront être recouvrés via le mécanisme accéléré.

Source : Cour de cassation, Troisième chambre civile, décision du 20 novembre 2025 ; Pourvoi n° 23-23.315, publié au bulletin.

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