Une récente réponse ministérielle (25 novembre 2025), apporte des clarifications sur la situation juridique et sociale des tatoueurs. Si le fond de la question – la reconnaissance du statut d’artiste-auteur – n’a pas été entièrement résolu, la réponse du gouvernement confirme et précise plusieurs points essentiels pour la profession, y compris en ce qui concerne la multiplication des tatoueurs non déclarés,
⚖️ Un tatouage est protégé par le droit d’auteur mais…
C’est un point de droit acquis et réaffirmé par le Ministère : le tatouage peut être considéré comme une œuvre de l’esprit et bénéficier de la protection du droit d’auteur (Code de la Propriété Intellectuelle, art. L. 112-1 et L. 112-2) dès lors qu’il présente un caractère original.
- L’Originalité : C’est l’« empreinte de la personnalité » de l’auteur sur l’œuvre. Des décisions de justice (comme celle concernant le tatouage de Johnny Hallyday) l’ont déjà prouvé.
- Protection élargie : Le droit d’auteur protège à la fois le dessin final sur la peau et les dessins préparatoires.
- Limites liées au corps : Attention, ce droit se heurte au principe de non-patrimonialité du corps humain (Code civil, art. 16-1). Il est difficile, voire impossible, d’invoquer le droit moral si le client souhaite retirer ou modifier le tatouage, et la vente d’un morceau de peau tatouée est juridiquement nulle.
Mais malgré cette reconnaissance artistique, la situation reste complexe concernant le statut social (Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs – SSAA) et l’exonération fiscale (Cotisation Foncière des Entreprises – CFE).
1. Le Régime Social de l’Artiste-Auteur (SSAA) ❌
L’article R. 382-1 du Code de la Sécurité Sociale réserve le statut d’artiste-auteur à ceux qui tirent un revenu des activités listées aux articles du code de la propriété intellectuelle, notamment des droits d’auteur et des ventes d’œuvres.
Le Fait Marquant : La réponse ministérielle établit un hiatus entre l’activité purement artistique et l’acte de tatouage :
- Activité 1 : Création du dessin (œuvre graphique/plastique) → Purement Artistique.
- Activité 2 : Réalisation technique du tatouage sur le corps → Purement Commerciale.
Conséquence : Si vous réunissez ces deux actions en une seule prestation (ce qui est le cas de la majorité des tatoueurs créateurs), l’activité est considérée comme étant simplement de nature commerciale.
Une exception purement théorique : Pour bénéficier du régime de la SSAA, il faudrait une gestion indépendante des deux activités, où seuls les revenus tirés de la cession de dessins préparatoires seraient déclarés en tant que revenus d’artiste-auteur. Ce modèle est peu adapté à la pratique courante du tatouage.
2. L’Exonération de la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) ❌
Sur le plan fiscal, le Conseil d’État a une position très stricte et matérialiste.
- Liste Limitée : Les tatoueurs ne figurent pas sur la liste des professions exonérées de CFE (CGI, art. 1460), et les juges ont rappelé que cette liste est strictement limitative, écartant toute possibilité d’assimilation (CE, 5 déc. 2022).
- Vision Fiscale : Le droit fiscal exige que l’œuvre d’art puisse être « cessible sur le marché de l’art ». Puisque le tatouage est lié au corps humain, il n’est pas « cessible », ce qui empêche l’exonération, même si son caractère original est reconnu par ailleurs.
🚨 Tatoueurs non déclarés : la DGCCRF mobilisée
Le Gouvernement se dit par ailleurs conscient et regrette la multiplication des tatoueurs non déclarés, souvent auto-formés, opérant hors du cadre légal (domicile, conventions non déclarées) sans respecter les normes sanitaires ni la fiscalité.
Cette situation, largement dénoncée par les syndicats professionnels comme le SNAT, génère :
- Une saturation du marché et une baisse des prix au détriment de la qualité.
- De graves risques infectieux (hépatite B, VIH, infections bactériennes) pour le public en raison du non-respect des protocoles de stérilisation (Code de la Santé Publique).
L’Engagement : Sur ce point, la réponse ministérielle indique clairement que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est l’autorité compétente pour mener des contrôles et encadrer cette concurrence illégale.
🔮 En bref : où en est la profession de tatoueur ?
Pour ce qui concerne un éventuel changement de statut social et fiscal, ce n’est pas pour tout de suite. Le gouvernement reconnaît en effet la valeur artistique du travail des tatoueurs professionnels à travers le prisme du droit d’auteur, mais, en l’absence de réforme spécifique, il maintient l’activité de tatouage sous le statut commercial (Code APE 96.09Z) en matière sociale et fiscale.
Pour l’instant donc, la seule véritable action concrète annoncée par l’État concerne le renforcement des contrôles contre les acteurs non déclarés via la DGCCRF, ce qui reste malgré tout un point essentiel pour la compétitivité des studios déclarés (et pour la sécurité des clients).
Source : J.O. Ass. Nat. Questions écrites n° 47 du 25 novembre 2025 (p. 9515).








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