Pompes funèbres : responsabilité engagée en cas de cercueil non adapté au mode de sépulture final.

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt (3 décembre 2025, pourvoi n° 24-19.602) qui mérite toute l’attention des professionnels du secteur funéraire. Cette décision vient confirmer et renforcer l’étendue de l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur l’entreprise de pompes funèbres, en particulier lorsque le mode de sépulture envisagé par la famille sort des usages les plus courants.

🧐 Les faits : sépulture hors-sol et dégradation prématurée

L’affaire portait sur un cercueil fourni par une société de pompes funèbres pour une inhumation au Portugal.

  • Le Contrat : La société de pompes funèbres a fourni un cercueil pour le transport et l’inhumation de la défunte.
  • Le Lieu : Le cercueil a été déposé dans un caveau-chapelle exposé à l’air libre au Portugal, une méthode de sépulture moins commune en France mais tolérée (sépulture hors-sol).
  • Le Problème : Environ trois ans après l’inhumation, la famille a constaté une dégradation du cercueil et l’épanchement de fluides corporels sur le sol de la chapelle.
  • La Conséquence : Ces dommages ont nécessité le changement du cercueil et une nouvelle inhumation.

La famille a assigné la société de pompes funèbres en indemnisation pour préjudice matériel et moral.

🏛️ La décision de justice : la non-conformité due à l’inadaptation

La société de pompes funèbres faisait valoir que le cercueil était conforme aux normes françaises (hermétique et biodégradable) et que l’absence d’étanchéité était due à son entreposage à l’air libre, un usage non « communément admis ». Elle estimait qu’il incombait à la famille de l’informer spécifiquement de ce mode de sépulture.

📌 La Position de la Cour d’appel

La Cour d’appel avait déjà retenu que, même si la méthode de sépulture hors-sol n’avait pas été expressément mentionnée dans le devis, il appartenait à la société de pompes funèbres, en tant que professionnelle, de :

  1. Se renseigner sur les souhaits et les besoins de la famille du défunt.
  2. Vérifier que les produits proposés étaient adaptés à la méthode de sépulture choisie.

Le cercueil, dont l’étanchéité n’était pas assurée après seulement trois ans dans ce contexte, a été jugé non conforme à l’usage auquel il était destiné.

⚖️ La Confirmation par la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société de pompes funèbres, validant donc le raisonnement ci-dessus de la Cour d’appel.

Elle rappelle que, selon l’ancien article 1147 du Code civil (applicable à l’époque des faits) :

Le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d’une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer sur l’adéquation entre le bien qui est proposé et l’usage qui en est prévu.

La Cour en déduit que :

  • L’entreprise de pompes funèbres, chargée de l’organisation d’obsèques, est tenue d’un devoir d’information et de conseil général.
  • Ce devoir comporte l’obligation de se renseigner sur le mode de sépulture envisagé par les clients.
  • Il faut s’assurer de l’adéquation des produits proposés (ici, le cercueil) à ce mode de sépulture.

La société de pompes funèbres n’ayant pas prouvé s’être acquittée de cette obligation, sa responsabilité a été engagée.

💡 Les leçons à tirer pour les entrepreneurs de pompes funèbres

Cette décision est un signal fort pour l’ensemble de la profession :

  1. L’obligation de conseil est proactive : Elle ne se limite pas à répondre aux questions de la famille, elle impose de poser les questions pertinentes (notamment sur le lieu et le type de sépulture) afin d’anticiper les besoins.
  2. L’adéquation du produit est primordiale : Le cercueil doit être adapté à son usage final. Dans le cas d’une sépulture hors-sol, d’un caveau non scellé, ou d’un transport international, le professionnel doit s’assurer et informer clairement sur les caractéristiques spécifiques requises (nature du bois, épaisseur, type de garniture, ou l’utilisation d’une enveloppe métallique plus résistante aux conditions extérieures).
  3. Traçabilité et Preuve : Il est essentiel de consigner par écrit la discussion sur le mode de sépulture et les conseils donnés. Si la famille choisit un produit non recommandé par vos soins pour l’usage envisagé, faites-le acter.

En conclusion, la transparence et la précision dans l’échange avec la famille ne sont pas seulement une question de déontologie, mais une nécessité juridique pour sécuriser votre responsabilité professionnelle.

Source : Cour de cassation, décision du 3 décembre 2025 ; pourvoi n° 24-19.602 ; Publié au Bulletin.

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