⚖️ Commerce de détail alimentaire non spécialisé : le Conseil d’État annule l’extension des clauses de la convention collective sur le travail de nuit

Le Conseil d’État vient de rendre une décision importante qui restreint l’usage du travail de nuit dans la branche du commerce de détail alimentaire non spécialisé (IDCC 1505).

Statuant sur un recours pour excès de pouvoir, la haute juridiction administrative a annulé partiellement l’arrêté d’extension d’un accord collectif, jugeant les justifications du recours au travail de nuit contraires à l’ordre public social.

🔎 Rappel des faits et du cadre légal

L’affaire concernait l’arrêté du 22 mars 2024 par lequel la ministre du Travail avait étendu un accord de branche du 17 janvier 2023 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail dans la Convention Collective Nationale (CCN) du commerce de détail alimentaire non spécialisé (IDCC 1505).

La Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services demandait l’annulation de cet arrêté, notamment en ce qu’il étendait l’article 3 de l’accord, introduisant un nouvel article 30-1 dans la CCN. Cet article 30-1 énumérait les justifications du recours au travail de nuit :

  • Nécessité d’approvisionner le magasin avant l’ouverture (sécurité alimentaire/sanitaire, réglementation de circulation des camions).
  • Nécessité de mettre les marchandises en rayon et de préparer le magasin avant l’ouverture.
  • Adaptation des horaires d’ouverture à l’accueil du public dans des conditions optimales.

Le Conseil d’État rappelle le principe d’ordre public de l’article L. 3122-1 du Code du travail : « Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. »

⛔ Le Point Clé : non-conformité des justifications

Le cœur de la décision réside dans l’analyse des justifications avancées par l’accord de branche au regard de l’article L. 3122-1 du Code du travail.

  • Absence de Service d’Utilité Sociale : Le Conseil d’État réaffirme la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle l’ouverture de nuit d’un établissement de vente au détail ne constitue pas un service d’utilité sociale au sens du Code du travail.
  • Continuité de l’Activité Économique Non Caractérisée : Plus crucial encore, le Conseil d’État estime que les justifications avancées par l’accord (approvisionnement, mise en rayon, préparation avant ouverture) ne permettent pas de caractériser la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique des entreprises concernées.

S’appuyant sur cette jurisprudence établie de la Cour de cassation, le Conseil d’État considère qu’il apparaît manifestement que les stipulations litigieuses ne respectent pas les prescriptions légales d’ordre public.

📝 Conséquences pour les professionnels du secteur

  • Annulation Partielle de l’Arrêté d’Extension : L’arrêté du 22 mars 2024 est annulé en tant qu’il étend les stipulations de l’article 3 de l’accord, introduisant l’article 30-1 dans la CCN.
  • Encadrement Strict du Travail de Nuit : Pour les entreprises du commerce de détail alimentaire non spécialisé, le recours au travail de nuit reste soumis à l’interprétation stricte de l’article L. 3122-1. Les justifications liées à l’approvisionnement ou la mise en rayon avant l’ouverture ne sont pas considérées comme suffisantes pour justifier légalement ce recours.
  • Implication des Accords d’Entreprise : Même si un accord d’entreprise met en place le travail de nuit conformément à l’article L. 3122-15, il ne bénéficie pas d’une dispense et doit effectivement prouver la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou l’utilité sociale, sous peine d’annulation par le juge judiciaire.

En résumé : Les entreprises de la branche souhaitant mettre en place le travail de nuit ne peuvent plus se contenter des justifications générales de l’accord annulé. Elles doivent démontrer la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale, conformément à l’interprétation stricte du Code du travail par la Cour de cassation.

Texte officiel : Décision du Conseil d’État 494707 du 9 décembre 2025.

Étiquetté :