Le Conseil d’État vient d’annuler une décision de la Cour administrative d’appel de Marseille, apportant une clarification essentielle pour les architectes et tous les professionnels de la maîtrise d’œuvre en général.
La haute juridiction administrative confirme en effet que les règlements de consultation (RC) des concours peuvent prévoir l’octroi d’une prime, même lorsque les prestations remises par les candidats ne sont pas strictement conformes aux exigences initiales.
🔎 Le cœur du litige : primes et conformité
L’affaire opposait un groupement de sociétés d’architectures à la Commune de Marseille, suite à un concours restreint de maîtrise d’œuvre pour la construction d’un centre d’intervention et de secours.
Après le rejet de leur candidature, les sociétés réclamaient le paiement des primes prévues par l’article 7 du règlement de consultation (RC), s’élevant à 52;800 € TTC, notamment pour l’établissement d’une esquisse et la remise d’une maquette.
Les juridictions précédentes (Tribunal administratif et Cour administrative d’appel de Marseille) avaient rejeté cette demande. La Cour d’appel s’était appuyée sur le droit de la commande publique (notamment l’article 90 du décret de 2016) pour affirmer que seule une offre conforme au règlement du concours ouvrait droit au versement de la prime. Elle avait ainsi écarté les stipulations du RC de la Commune qui permettaient au jury de moduler ou refuser une prime, y compris pour des prestations jugées « non conformes« .
⚖️ L’erreur de droit corrigée
Saisi en cassation, le Conseil d’État a donné raison aux sociétés requérantes. Sa décision repose sur l’interprétation des articles régissant les concours d’architecture et d’ingénierie soumis à la loi MOP (loi du 12 juillet 1985).
Si le principe légal veut que les candidats ayant remis des études conformes au RC bénéficient d’une prime, la haute juridiction introduit une nuance fondamentale :
« Ces mêmes dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que le règlement du concours prévoie la possibilité pour l’acheteur, sur proposition du jury, de verser une prime à des candidats ayant remis des prestations non conformes au règlement du concours. »
En jugeant que l’article 90 du décret de 2016 interdisait absolument le versement d’une prime en l’absence de conformité stricte, et en écartant les clauses du RC de la Commune qui autorisaient cette possibilité, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
🎯 Conséquences pour les marchés publics
Cette décision a des implications concrètes majeures pour les acheteurs publics et les professionnels :
- Sécurisation contractuelle : Elle valide la possibilité pour les maîtres d’ouvrage d’inclure des clauses au RC permettant au jury d’indemniser, même partiellement, des candidats dont la prestation n’est pas parfaitement conforme, à condition que cette possibilité soit explicitement prévue. L’acheteur peut ainsi valoriser le travail fourni tout en maintenant sa liberté d’appréciation.
- Protection des candidats : Les architectes et ingénieurs participant à des concours peuvent se prévaloir des stipulations spécifiques du RC pour demander une prime, même si leur dossier présente des réserves mineures ou des non-conformités, pourvu que le RC l’ait permis.
👨⚖️ Renvoi de l’affaire
L’arrêt de la Cour d’appel de Marseille est annulé, et l’affaire est renvoyée devant cette même Cour pour qu’elle réexamine la demande des sociétés à la lumière de l’interprétation donnée par le Conseil d’État. Mais en attendant, la Commune de Marseille a été condamnée à verser 500 € à chacune des six sociétés pour les frais de justice engagés.
Texte officiel : Conseil d’Etat, décision n° 496633 du 10 décembre 2025.







