Une décision cruciale de la Cour de cassation, rendue le 17 décembre 2025, vient bouleverser les pratiques contractuelles des loueurs de véhicules. La haute juridiction a tranché : une clause présumant l’état satisfaisant du véhicule sans réserve pour les défauts non apparents est désormais considérée comme « irréfragablement abusive ».
Le contexte : une panne après signature
Le 7 mai 2020, un particulier loue un véhicule pour 10 mois. Le contrat stipule que le client reconnaît louer un véhicule en « état satisfaisant » et qu’il s’engage à signaler toute réserve immédiatement sur le contrat. Peu après, une panne survient. Le locataire assigne le loueur pour demander la résolution du contrat et des dommages-intérêts.
La Cour d’appel de Bordeaux avait d’abord donné raison au loueur, estimant que le client avait été averti de la nécessité d’examiner le véhicule et qu’il aurait pu se faire assister par un expert.
Mais la Cour de cassation a censuré ce raisonnement.
Pourquoi cette clause est-elle désormais « sur liste noire » ?
La Cour s’appuie sur le Code de la consommation (articles L. 212-1 et R. 212-1) pour déclarer la clause « non écrite ». Voici les trois points clés de son argumentation :
- L’entrave au droit à réparation : En obligeant le client à reconnaître l’état satisfaisant du véhicule sans mentionner les désordres non apparents (mécanique interne, électronique, etc.), la clause réduit indûment le droit du consommateur à demander réparation en cas de manquement du loueur à son obligation de délivrance.
- L’interdiction de résolution : La clause empêche de fait le consommateur de demander la fin du contrat (résolution) si un défaut caché rend le véhicule inutilisable, puisqu’il a « signé » pour un véhicule conforme.
- La présomption irréfragable : Puisque ces clauses figurent sur la « liste noire » du Code de la consommation, elles sont présumées abusives de manière automatique. Le loueur ne peut même pas tenter de prouver le contraire devant un juge.
Extrait de la décision : « La clause a pour conséquence de présumer la conformité de la délivrance opérée par le loueur, sans réserver les désordres non apparents. […] Elle est présumée abusive de manière irréfragable. »
Quelles conséquences pour les entreprises de location ?
1. Risque de nullité
Si vos contrats contiennent une clause similaire à celle évoquée ci-dessus (clause présumant l’état satisfaisant du véhicule sans réserve pour les défauts non apparents), cette clause est « réputée non écrite ». Cela signifie qu’en cas de litige, un juge fera comme si la clause n’avait jamais existé, laissant votre entreprise sans protection face aux réclamations pour défaut de délivrance.
2. Renversement de la charge de la preuve
Sans une clause valide, c’est au loueur de prouver qu’il a délivré un véhicule exempt de tout défaut (même mécanique), et non plus au client de prouver que le défaut existait déjà.
Texte officiel : Cour de cassation ; Première chambre civile – Formation restreinte hors RNSM/NA ; Pourvoi n° 24-11.295 ; 17 décembre 2025 ; Publié au Bulletin.







