Commissaires de justice : une proposition de loi pour création d’une nouvelle procédure de recouvrement simplifiée des créances B2B

Une proposition de loi vient d’être déposée au Sénat afin de répondre à un fléau qui mine l’économie française : les impayés entre entreprises. Ce texte propose de confier aux commissaires de justice un rôle central dans la lutte contre les retards de paiement, en créant une procédure de recouvrement simplifiée, rapide et déjudiciarisée.

Le constat : un quart des faillites dû aux impayés

Le retard de paiement n’est pas qu’un simple problème de trésorerie ; c’est un risque vital pour les PME. L’exposé des motifs de la proposition de loi souligne une réalité alarmante :

  • 25 % des défaillances d’entreprises sont causées par des défauts ou retards de paiement.
  • Des dizaines de milliards d’euros sont perdus chaque année par les entreprises créancières.
  • La majorité des débiteurs sont solvables mais profitent de la lourdeur des procédures judiciaires actuelles pour différer leurs paiements.

Actuellement, même lorsqu’une dette n’est pas contestée, le créancier doit souvent passer par une procédure d’injonction de payer devant un juge. Ce parcours, jugé trop long et coûteux pour les petites structures, dissuade de nombreuses entreprises de faire valoir leurs droits.

L’innovation : la « déjudiciarisation » du recouvrement

La proposition de loi vise à instaurer un nouveau chapitre dans le code des procédures civiles d’exécution (Art. L. 126-1). L’idée est simple : permettre aux commissaires de justice de délivrer eux-mêmes un titre exécutoire sans passer par un tribunal, dès lors que la créance est commerciale et incontestée.

Ce qui changerait par rapport au système actuel :

CaractéristiqueProcédure actuelle (L. 125-1)Nouvelle procédure proposée
PlafondLimitée aux créances de moins de 5 000 €Aucun seuil de montant
Nature de la detteToutes dettesCréances commerciales (B2B) uniquement
IntervenantCommissaire de justiceCommissaire de justice + Greffier
RapiditéRelativement rapideDélai de réponse d’un mois

Comment fonctionnerait cette nouvelle procédure ?

Le mécanisme repose sur une interaction directe entre le commissaire de justice, le créancier et le débiteur :

  • Sommation de payer : Le commissaire de justice envoie une sommation au débiteur. Ce dernier dispose d’un mois pour réagir.
  • Trois issues possibles :
    • Le paiement : La procédure prend fin.
    • La contestation : Si le débiteur conteste la dette, la procédure s’arrête et le créancier doit saisir les tribunaux classiques.
    • L’accord ou le silence : Si le débiteur reconnaît la dette ou ne répond pas, le commissaire de justice dresse un procès-verbal de non-contestation.
  • Le Titre Exécutoire : Ce procès-verbal est ensuite déclaré exécutoire par le greffier du tribunal de commerce. Muni de ce titre, le créancier peut alors engager des mesures d’exécution forcée (saisies) pour récupérer son dû.

Un enjeu de compétitivité pour les PME

En supprimant l’obligation systématique d’un passage devant le juge pour les créances évidentes, cette loi cherche à « désencombrer » les tribunaux tout en offrant aux chefs d’entreprise un outil de coercition efficace et peu onéreux.

Si elle est adoptée, cette réforme marquera une nouvelle étape dans la protection de la trésorerie des entreprises françaises, transformant le commissaire de justice en véritable garant de la fluidité des relations commerciales.

À noter : Le débiteur conserve des garanties, notamment la possibilité de s’opposer au procès-verbal revêtu de la formule exécutoire, assurant ainsi le respect du droit à la défense.

Texte officiel : Proposition de loi n° 187 (2025-2026) de M. François PATRIAT, déposée au Sénat le 4 décembre 2025.

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