La Cour de cassation, par une décision du 19 novembre 2025, est venue apporter une précision importante sur le champ d’application de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), notamment concernant la prescription annale (délai d’un an) qu’elle prévoit.
L’arrêt confirme que ce délai de prescription s’applique aux actions dirigées non seulement contre les transporteurs eux-mêmes, mais aussi contre les prestataires dont l’intervention est intégrale et nécessaire à l’exécution du contrat de transport international.
🚚 Les faits : vol de marchandises lors d’un transbordement
L’affaire opposait une société bien connue de produits électroniques grand public, par l’intermédiaire de son commissionnaire de transport et de son assureur, à une société de fret chez laquelle les marchandises ont disparu.
- Le contrat : La société avait confié à son commissionnaire le transport de téléphones mobiles et d’accessoires depuis les Pays-Bas vers la France.
- L’exécution : Deux lettres de voiture CMR ont été émises. Le commissionnaire a confié le transport à différents sous-traitants successifs jusqu’à la destination finale.
- Le litige : La marchandise a été volée alors qu’elle était en cours de transbordement (passage d’un camion à un autre) sur une plateforme appartenant à la société de fret.
⏳ La Question en droit : quelle prescription s’applique ?
Trois ans après le vol, le commissionnaire de transport et son assureur ont assigné la société de fret en réparation de leur préjudice, tandis que celle-ci a soulevé l’irrecevabilité de l’action pour cause de prescription.
L’enjeu majeur de l’affaire portait sur l’application de l’article 32 de la CMR qui fixe un délai de prescription d’un an pour les actions découlant du contrat de transport international.
- L’argument des demandeurs : Ils soutenaient que la CMR ne s’appliquait qu’aux transporteurs intervenant sur la lettre de voiture. La société de fret, n’étant qu’un prestataire de transit et ne figurant pas sur la lettre de voiture, ne devait pas bénéficier du délai de prescription réduit de la CMR, mais du droit commun.
- La position de la Cour d’appel : La Cour d’appel de Paris donne raison à la société de fret en considérant que la prescription annale de la CMR s’appliquait en l’occurrence, car l’action découlait du contrat de transport et que la prestation de transit faisait partie intégrante de celui-ci.
⚖️ La solution de la Cour de cassation : confirmation de l’application étendue de la CMR
La Cour de cassation rejette le pourvoi du commissionnaire et de son assureur, confirmant ainsi l’arrêt d’appel.
- Le raisonnement : La Cour de cassation relève que les lettres de voiture CMR portaient sur un transport international de bout en bout (Pays-Bas à France) devant être réalisé par des transporteurs successifs.
- La déduction : Elle en déduit que la prestation de transbordement du camion effectuée dans les locaux de la société de fret était nécessaire à l’achèvement de ces transports internationaux.
- La conclusion : Puisque la prestation est un élément essentiel de l’opération de transport international régie par la CMR, la prescription annale de l’article 32 de la CMR est applicable, même si l’action est dirigée contre un prestataire (un intermédiaire technique) et non contre un transporteur désigné sur la lettre de voiture.
💡 Portée de la décision
Cette décision réaffirme la volonté de la Cour de cassation d’appliquer la CMR de manière globale dès lors qu’une chaîne de prestations concourt à la réalisation d’un transport international. Elle étend ainsi le bénéfice (ou l’inconvénient) du délai de prescription court de la CMR à tous les maillons de la chaîne logistique dont l’intervention est essentielle à l’exécution du contrat de transport international de marchandises par route. Les acteurs du transport, y compris les prestataires de transit et de logistique, doivent donc veiller à la prescription annale lorsqu’ils sont impliqués dans des litiges découlant d’un contrat de transport CMR.
📖 Références Juridiques
- Convention CMR, article 32 : délai de prescription d’un an.
- Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 novembre 2025, pourvoi n° n° 24-16.446, publié au Bulletin.







