EHPAD : dépôt d’une proposition de loi visant à réformer le secteur en profondeur

Une proposition de loi visant à réformer en profondeur le secteur des EHPAD vient d’être déposée au Parlement. Ce texte – très ambitieux ! – entend mettre fin à la financiarisation croissante du secteur et à garantir un accompagnement digne et humain aux résidents.

🚨 Une réponse à l’urgence et aux scandales

Selon les auteurs de cette proposition de loi (députés LFI), le texte émerge dans un contexte de vieillissement accéléré de la population française (augmentation de 46 % des plus de 60 ans d’ici 2050) et fait suite aux révélations de « maltraitance systémique », notamment celles mises au jour par un livre paru en 2022.

Toujours selon les auteurs, le constat est sévère : « malgré les engagements politiques passés, aucune réforme structurelle n’a été menée pour contrer la transformation des structures de soin en « centres de profit ».

  • Le privé lucratif est en croissance : En 2020, près de 22 % des résidences étaient gérées par des groupes privés lucratifs, concentrant 30 % des places. « Certains ont vu leurs dividendes exploser, optimisant les rendements financiers ».
  • Le secteur public en crise : parallèlement, la majorité des EHPAD publics est en déficit (66 à 71 % en 2024), menaçant leur survie et conduisant à des restrictions d’embauche, alors que les coûts de séjour, eux, ne cesseraient d’augmenter pour les familles.

🔑 Les mesures clés de la proposition de loi

La proposition de loi s’articule autour des 8 articles ci-dessous, qui contiennent plusieurs mesures structurantes visant, selon leurs auteurs, à « remettre l’éthique et la qualité des soins au centre du modèle ».

1. Mettre fin à la logique lucrative

  • Article 1 : Interdiction de but lucratif. Les EHPAD auront l’obligation de ne pas poursuivre de but lucratif dans un délai de deux ans, sous peine d’une amende égale à 100 % du chiffre d’affaires (sic).
  • Article 2 : Conditionnement des financements. L’octroi des autorisations d’ouverture et des financements publics sera soumis au respect de cette condition de non-lucrativité.
  • Création d’un fonds de concours : La loi prévoit la création d’un fonds alimenté par les EHPAD privés lucratifs pour soutenir les établissements en difficulté financière, « afin de rompre avec la financiarisation du secteur ».

2. Instaurer un encadrement digne

Selon les auteurs, « la maltraitance institutionnelle est directement liée au manque de personnel ». Le rapport souligne qu’un ratio de 0,3 soignant par résident (celui du public) n’autorise qu’une toilette rapide et partielle, bien loin des 0,6 soignant par résident recommandé pour assurer des soins d’hygiène adaptés et une prévention d’escarres efficace.

  • Article 3 : Ratio minimal de personnel. Instauration d’une norme minimale d’encadrement total de 100 ETP pour 100 résidents (soit un ratio de 1), avec un ratio minimal de soignants de 0,6. L’entrée en vigueur est prévue sur 4 ans.
  • Article 4 : Encadrement nocturne. Instauration d’une norme minimale d’encadrement nocturne d’un soignant pour 30 résidents.

3. Revaloriser les carrières et l’attractivité du métier

Face à l’épuisement professionnel, au fort taux d’absence et de turn-over chez les soignants, la proposition de loi vise à améliorer l’attractivité de la filière.

  • Article 5 : Revalorisation salariale. Négociation sectorielle pour une revalorisation salariale « Grand Âge » progressive (ancienneté/qualifications) et garantie d’un salaire au moins égal au SMIC pour les personnels non-médicaux actuellement sous ce seuil.

4. Innover et évaluer

  • Article 6 : Expérimentation d’EHPAD ruraux. Lancement pour trois ans d’une expérimentation d’EHPAD ruraux à taille restreinte, gérés sous statut de Société Coopérative d’Intérêt Collective (SCIC), permettant une gestion autonome.
  • Articles 7 et 8 : Rapports d’évaluation. Sollicitation de rapports d’évaluation sur les effets socio-économiques des revalorisations salariales et sur l’évolution de la maltraitance institutionnelle.

🌞Un tournant éthique et social

Selon ses auteurs, cette proposition de loi se veut un « tournant éthique et social pour le Grand-Âge en s’opposant frontalement aux logiques de rendement actionnarial ». L’objectif est de garantir aux résidents la dignité qu’ils méritent, tout en donnant aux salariés les moyens de remplir leur mission avec humanité et reconnaissance.

Texte officiel : Proposition de loi n° 2171, présentée par M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Mathilde PANOT, les membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, députés et députées, et enregistrée à la présidence de l’Assemblée Nationale le 2 décembre 2025.