Immobilier : adoption controversée de la pérennisation et du renforcement de l’encadrement des loyers

Paris le 11 décembre 2025. L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, contre l’avis du Gouvernement et au grand dam des professionnels, la proposition de loi visant à pérenniser et à renforcer le dispositif d’encadrement des loyers. Cette initiative met fin à l’expérimentation temporaire et impose de nouvelles obligations aux acteurs de la location.

Ce qui change pour les bailleurs et les agents immobiliers

La proposition de loi, désormais entre les mains du Sénat, introduit plusieurs modifications cruciales qui impactent directement les pratiques des propriétaires et des professionnels de l’immobilier.

1. Fin de l’expérimentation et règle permanente

Le changement le plus fondamental est la pérennisation du dispositif. Pour les propriétaires gérant des biens dans une zone soumise à l’encadrement (Paris, Lille, Lyon, etc.), il ne s’agit plus d’une mesure temporaire mais d’une contrainte réglementaire de long terme lors de la relocation ou du renouvellement du bail.

2. Plafonnement du complément de loyer

La proposition de loi vise également à réguler le complément de loyer face aux abus. Elle prévoit notamment de plafonner son montant à 20 % du loyer de référence majoré et à encadrer le montant et la nature des surfaces annexes (caves, balcons etc..) au sein d’un complément de loyer.

En outre, la possibilité est donnée au locataire de dénoncer un complément de loyer abusif sans être soumis au délai de trois mois après la signature du bail.

Enfin, le montant du complément de loyer ainsi que sa justification devront être précisés dans les annonces relatives à la mise en location d’un logement.

3. Précisions sur la réévaluation du Loyer

Désormais, l’action en réévaluation du loyer s’appliquera aussi en cas de reconduction tacite du bail. Autrement dit, le propriétaire ne pourra pas contourner les règles d’encadrement au moment du renouvellement automatique.

4. Le Locataire gagne un droit de contrôle en cas de congé

C’est une modification importante concernant la rupture du bail. Pour lutter contre les congés frauduleux (par exemple, donner congé pour « reprise du logement » et le relouer immédiatement plus cher), le locataire a obtenu un nouveau droit :

  • Demande de preuve a posteriori : Le locataire pourra désormais demander des preuves de la réalité du motif du congé même après son départ. Si le propriétaire a donné congé pour reprendre le logement afin d’y habiter, le locataire pourra exiger de vérifier que c’est bien le cas plusieurs mois après avoir quitté les lieux.

Conséquence : Les propriétaires qui donnent congé doivent être certains de la légitimité de leur motif. En cas d’abus de droit prouvé, le propriétaire s’expose à des poursuites judiciaires et à des sanctions.

5. Encadrement de la révision annuelle du loyer

Un amendement vise à corriger une incohérence qui vidait de son sens l’encadrement des loyers en cours de bail :

  • Limite de Révision : La révision annuelle du loyer (indexation sur l’IRL) ne pourra plus permettre au bailleur de dépasser le loyer de référence majoré.
  • Stabilité du Complément : Seul le loyer de base pourra faire l’objet de cette révision annuelle. Le complément de loyer restera un montant fixe et non révisable dans le temps.

Conséquence pour les propriétaires : Si le loyer initial était proche du loyer de référence majoré, la marge de manœuvre pour l’indexation annuelle sera désormais limitée par ce plafond, et non plus uniquement par l’IRL.

6. Risque administratif pour les baux civils

Pour lutter contre le contournement des règles, de nouvelles prérogatives sont données à l’administration :

  • Intervention préfectorale : Les Préfets (ou les collectivités ayant la compétence déléguée) auront désormais le pouvoir de mettre en demeure les propriétaires qui recourent abusivement aux baux civils (non soumis aux règles de 1989) afin d’échapper à l’encadrement des loyers.
  • Dissuasion : Cette mise en demeure administrative a pour objectif de dissuader ces pratiques et d’offrir une alternative plus rapide à la longue procédure de requalification du bail que devait seule engager le locataire.

7. Loyer de référence : une marge de manœuvre limitée

Une règle limitant les hausses excessives entre secteurs est également ajoutée :

  • Plafond Localisé : Dans les secteurs géographiques où le loyer médian est supérieur de 10 % au niveau du loyer médian de l’agglomération, le loyer de référence majoré sera au plus égal à un montant supérieur de 10 % au loyer de référence.

8. Doublement des amendes

Lorsque le représentant de l’Etat dans le département constate qu’un contrat de bail ne respecte pas l’encadrement, il peut mettre en demeure le bailleur, dans un délai de deux mois, d’une part, de mettre le contrat en conformité et, d’autre part, de procéder à la restitution des loyers trop-perçus.

Le bailleur est informé des sanctions qu’il encourt et de la possibilité de présenter, dans un délai d’un mois, ses observations. Si cette mise en demeure reste infructueuse, le représentant de l’Etat dans le département peut prononcer une amende à l’encontre du bailleur.

Mais alors que le montant de celle-ci ne pouvait excéder jusqu’ici 5.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale, la proposition de loi porte ces montants, respectivement, à 10.000 € et à 30.000 €.

De même, la proposition de loi double les amendes prévues à l’encontre des professionnels et des bailleurs qui ne remplissent pas leurs obligations de communication aux observatoires des loyers. Celles-ci seraient également portées à 10.000 € pour une personne physique, et à 30.000 € pour une personne morale.

Prochain arrêt : le Sénat

Cette proposition de loi n’est pas encore définitivement adoptée. Elle doit maintenant être transmise au Sénat. Il est probable que les sénateurs, souvent sensibles aux intérêts des propriétaires-bailleurs, cherchent à amender ou à adoucir certains aspects du texte.

Texte officiel : Proposition de loi pour retrouver la confiance et l’équilibre dans les rapports locatifs,
adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 11 décembre 2025.

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