Masseurs-kinésithérapeutes : la méthode Niromathé devant le Conseil d’État

Suite au pourvoi du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) contre une sanction disciplinaire jugée trop indulgente, le Conseil d’Etat a mis en lumière vendredi dernier 14 novembre les obligations déontologiques des kinés, notamment en matière de consentement, d’information des patients et, plus spécifiquement, de l’utilisation de méthodes dites « complémentaires » comme la méthode Niromathé.

Le contexte de l’affaire jugée : manquements et sanction trop légère

L’affaire concernait un masseur-kinésithérapeute qui était visé par des signalements de patientes pour des gestes déplacés et des manquements aux règles de bonne conduite professionnelle.

La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre lui avait infligé une sanction d’interdiction d’exercer d’un mois avec sursis. Cette décision se fondait sur la méconnaissance des articles du Code de la santé publique concernant :

  • Le respect du patient (art. R. 4321-53).
  • L’information suffisante sur les soins et la méthode utilisée (art. R. 4321-54).
  • La recherche systématique du consentement (art. R. 4321-58).

Cependant, le point le plus délicat soulevé par le Conseil national de l’ordre concernait le rejet par la chambre disciplinaire de griefs plus graves liés à l’utilisation de la méthode Niromathé.

La question centrale : la méthode Niromathé est-elle un « procédé illusoire » ?

Le Conseil national de l’ordre reprochait en effet à la chambre disciplinaire de ne pas avoir sanctionné la méconnaissance des articles R. 4321-80 et R. 4321-87, qui imposent des soins « fondés sur les données acquises de la science » et interdisent le charlatanisme ainsi que la promotion de « procédés illusoires ou insuffisamment éprouvés ».

🎯 Ce qu’est la méthode Niromathé

La méthode Niromathé est décrite dans la décision comme une technique apparentée aux « techniques vibratoires ». Elle est présentée par ses promoteurs comme une méthode réflexe et neuro-cutanée, visant à débloquer les structures ostéo-articulaires ou viscérales en stimulant des points sous-cutanés spécifiques par des vibrations rapides et légères au lieu de manipulations forcées. Elle est pratiquée par certains professionnels depuis une trentaine d’années.

⚖️ L’erreur de droit de la chambre disciplinaire

La chambre disciplinaire nationale avait estimé que :

  1. La méthode Niromathé n’était pas mentionnée dans le tableau des « procédés illusoires » dressé par l’Ordre.
  2. Elle n’avait été utilisée qu’à titre complémentaire par le praticien.

En conséquence, elle considérait que son utilisation n’avait rien d’illicite.

Mais le Conseil d’État n’est pas d’accord. Il a jugé en effet que la chambre disciplinaire a commis une erreur de droit pour les raisons suivantes :

  • D’abord parce qu’elle ne s’est pas assurée elle-même si la méthode, telle que pratiquée, avait le caractère d’un « procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ».
  • Ensuite parce que le fait que la méthode soit utilisée à titre complémentaire n’est pas une circonstance suffisante pour écarter le grief de charlatanisme ou de promotion d’un procédé illusoire. L’Ordre exige en effet que l’ensemble des soins soit fondé sur des preuves scientifiques établies.

En d’autres termes, c’est bien l’utilisation de la méthode Niromathé qui est remis en question. Selon le Conseil d’Etat, ce n’est pas le classement officiel de la méthode par l’Ordre qui fait foi, mais bien la vérification de sa validité scientifique au regard des exigences du Code de la santé publique. Le professionnel doit justifier que les soins prodigués, même complémentaires, sont fondés sur les données acquises de la science.

🚨 L’élargissement des manquements déontologiques

Le Conseil d’État a également annulé la décision pour un autre motif lié à l’article R. 4321-79, qui impose au kinésithérapeute de s’abstenir de tout acte de nature à déconsidérer la profession.

La chambre disciplinaire avait écarté ce grief sous prétexte que les actes reprochés n’avaient pas eu de retentissement public. Le Conseil d’État précise clairement que certains actes, en raison de leur gravité particulière, peuvent déconsidérer la profession même s’ils sont connus des seuls patients concernés.

📝 Conclusion : la méthode Niromathé en sursis ?

Cette décision du Conseil d’État est un rappel ferme des exigences déontologiques pour les masseurs-kinésithérapeutes :

  • Consentement et information : Le respect, l’information complète et le consentement éclairé du patient sont fondamentaux et doivent être systématiquement recherchés avant tout acte, y compris l’utilisation de méthodes spécifiques comme la Niromathé.
  • Fondement scientifique : Toutes les pratiques, y compris celles dites complémentaires, doivent être « fondées sur les données acquises de la science ». L’utilisation d’une méthode n’ayant pas fait ses preuves peut engager la responsabilité disciplinaire du praticien, indépendamment de son usage « complémentaire ».
  • Dignité de la profession : Les actes graves portant atteinte aux patients, même sans publicité, sont jugés de nature à déconsidérer la profession.

Le renvoi de l’affaire impliquera un nouvel examen des faits par la chambre disciplinaire qui devra rechercher de manière approfondie la validité et le caractère non illusoire de la méthode Niromathé telle qu’elle a été mise en œuvre.

Source : Conseil d’Etat, décision n° 492235 du 14 novembre 2025.

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