L’Ordonnance n° 2025-1091 du 19 novembre 2025, publiée ce 20 novembre au Journal Officiel, marque un tournant historique en réécrivant l’intégralité de la partie législative du Code de procédure pénale (CPP). Réalisée à droit constant, cette refonte vise à rendre le code plus lisible, cohérent et praticable pour tous les acteurs de la justice, répondant ainsi à une « impérieuse nécessité » exprimée par les praticiens.
Une nécessité impérieuse : rendre le CPP « lisible »
Depuis sa création il y a près de 60 ans, le CPP s’est complexifié au fil des réformes successives, le rendant « illisible » et « peu praticable » selon les termes des enquêteurs, magistrats et avocats consultés lors des États généraux de la justice de 2022.
Les critiques principales portaient sur :
- L’incohérence du plan : Les règles applicables à une même phase de la procédure (comme l’enquête ou l’instruction) étaient dispersées dans plusieurs parties du code.
- Le non-respect de la chronologie : Des réponses pénales (alternatives aux poursuites) étaient traitées avant les investigations, alors qu’elles interviennent après.
- L’éclatement des dispositions : Des figures clés comme le Juge des libertés et de la détention (JLD) n’apparaissaient dans aucun intitulé, et des dispositions essentielles (computation des délais, nullités) étaient reléguées en fin de code.
- La redondance et la longueur des articles : Des règles similaires étaient répétées (enquête de flagrance/préliminaire), et certains articles étaient excessivement longs et confus (art. 41-1 et 41-2 sur les alternatives aux poursuites).
Face à des textes qualifiés de « confus et enchevêtrés », la réécriture formelle du code est apparue comme l’unique solution pour garantir la sécurité juridique et permettre aux praticiens de respecter les règles sans avoir recours à des « traductions » externes du code.
Les axes de la réforme : un code thématico-chronologique
L’ordonnance, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2029, abroge l’intégralité de l’ancien code et le remplace par un nouveau code de 4190 articles suivant un plan thématico-chronologique et le principe de « une idée / un article ».
1. Les nouveaux principes de rédaction
- Numérotation Décimale : Pour une meilleure organisation.
- Articles Courts : Les articles sont scindés pour être plus lisibles. Par exemple, la composition pénale (anciennement un article de plus de 40 alinéas) est désormais présentée dans un chapitre de 26 articles.
- Réduction des Renvois : Les renvois à d’autres articles sont limités et rédigés de manière plus explicite.
2. Une nouvelle architecture en 8 Parties
Le nouveau CPP est articulé autour d’un Titre préliminaire énonçant les principes cardinaux (respect du contradictoire, présomption d’innocence, protection des victimes, etc.) et de huit grandes parties :
| Partie | Contenu (Ordre de la Procédure) | Améliorations Clés |
| 1. Dispositions générales | Droits de la défense, action pénale, preuves, droits des victimes (nouveau livre dédié), règles techniques (numérique, délais). | Consolide les règles transversales et symboliques. |
| 2. Acteurs de la procédure | Autorités judiciaires (Parquet, Juridictions), Police Judiciaire, Avocats, Experts. | Clarification des rôles et statuts. Le Tribunal correctionnel devient Tribunal délictuel. |
| 3. Investigations et mesures de sûreté | Cadres d’investigation (enquêtes, information judiciaire), mesures de sûreté pré-sentencielles (contrôle judiciaire, détention provisoire). | Innovation majeure : Isolation claire des dispositions communes à l’enquête et l’information, et regroupement de toutes les règles de détention provisoire. |
| 4. Réponses pénales | Orientations du Parquet, réponses alternatives au jugement, jugements (crimes, délits, contraventions). | Respect de la chronologie de la procédure : des orientations du Parquet jusqu’au jugement. |
| 5. Exécution et l’application des peines | Principes d’exécution, peines privatives/restrictives de liberté, casier judiciaire. | Réorganisation de cette matière complexe par thèmes (nature des peines). |
| 6. Procédures particulières | Coopération judiciaire européenne et internationale, mesures de sûreté spécifiques (terrorisme, infractions sexuelles). | Ne conserve que les procédures dont la spécificité l’exige, intégrant les autres règles dérogatoires dans les parties 1 à 5. |
| 7. Contrôles exercés par la Cour de cassation | Saisine pour avis, pourvoi en cassation, révision et réexamen. | |
| 8. Dispositions relatives à l’outre-mer | Mesures d’adaptations et d’extension. |
Cette nouvelle architecture permet de regrouper de très nombreuses dispositions autrefois éparpillées (exemples : la garde à vue et l’audition libre sont désormais rassemblées dans un titre dédié) et de supprimer des redondances.
Mise en oeuvre et perspectives
L’entrée en vigueur de l’ordonnance est prévue pour le 1er janvier 2029. Ce délai de plus de trois ans est jugé nécessaire pour :
- La mise à jour des logiciels et applicatifs métiers des ministères de la Justice et de l’Intérieur.
- La formation des praticiens au nouveau code. Des outils pédagogiques, notamment des tables d’équivalence interactives (ancien code/nouveau code), seront largement diffusés.
Bien que la réécriture ait été effectuée à droit constant (sans modifier les règles de fond), elle offre désormais un cadre plus robuste et durable pour accueillir les futures réformes. Le projet de loi de ratification, qui devra être déposé dans les six mois, pourrait d’ailleurs être l’occasion de prolonger cet effort par des modifications de fond visant à simplifier et à rendre la procédure plus efficace.
Texte : Ordonnance n° 2025-1091 du 19 novembre 2025, J.O. du 20.







