Viticulteurs : dépôt d’une proposition de loi visant à faciliter la diversification et l’œnotourisme

Face à une crise viticole « extrêmement profonde », cette proposition de loi, qui vient d’être déposée sur le bureau de l’Assemblée Nationale, ambitionne de faire de l’accueil oenotouristique un levier essentiel de résilience pour les exploitations.

L’initiative répond à un constat alarmant : la viticulture française est fragilisée par le recul de la consommation, les incertitudes à l’export, la hausse des coûts de production, les aléas climatiques et la complexité réglementaire. Le symbole de cette crise est l’arrachage de vignes, marquant la perte de viabilité de nombreux domaines.

L’Œnotourisme, un secteur d’avenir à conforter

Malgré les difficultés de la filière viticole traditionnelle, l’œnotourisme s’impose comme une opportunité de développement stratégique.

En 2024, le secteur aurait attiré 12 millions de visiteurs pour un chiffre d’affaires estimé à plus de 5 milliards d’euros. Il fédère déjà 10.000 domaines ouverts au public et contribue au maintien de l’emploi, à la transmission des savoir-faire et au rayonnement international des terroirs. Les activités sont multiples : visites de caves, dégustations, routes des vins, randonnées, vinothérapie, etc.

Cependant, le secteur souffre de freins majeurs : complexité administrative, rigidité des règles d’urbanisme et manque de données fiables pour le pilotage stratégique.

L’exemple italien

La France accuse un retard dans ce domaine par rapport à ses voisins. L’Italie, par exemple, a mis en place dès 2017 un cadre juridique reconnaissant explicitement l’œnotourisme comme une activité agricole complémentaire. Cette clarification a permis de structurer une offre lisible, simplifier les démarches administratives, et encourager la fréquentation des territoires viticoles.

Les piliers de cette proposition de loi

La proposition de loi, élaborée en concertation avec les professionnels, vise à lever ces verrous réglementaires et s’articule autour de deux grands volets : la reconnaissance juridique et stratégique du secteur et la simplification des règles d’urbanisme.

1. Reconnaissance et Pilotage (Articles 1 et 2)

  • Définition Juridique (Article 1) : Le texte introduit une définition claire de l’œnotourisme dans le Code du tourisme. Cette reconnaissance clarifie le périmètre de l’activité, sécurise les initiatives territoriales et facilite la coordination entre les politiques agricoles, touristiques et culturelles. La définition couvre les activités de visite, de découverte, de dégustation, ainsi que les actions culturelles et événementielles liées au vin, à la vigne et au paysage.
  • Baromètre Annuel (Article 2) : Il est prévu d’inscrire dans les missions d’Atout France la réalisation d’un baromètre annuel de l’œnotourisme. L’objectif est de pallier le manque de suivi national régulier en mesurant les flux de visiteurs, les impacts économiques et sociaux, et l’état des formations. Ces données sont cruciales pour orienter les investissements et les politiques publiques.

2. Simplification et Sécurisation (Articles 3 et 4)

Les mesures en matière d’urbanisme sont au cœur du dispositif pour permettre aux exploitants de développer rapidement une activité complémentaire.

  • Dérogation d’urgence (Article 3) : Face à l’urgence de la crise, l’article 3 de la future loi introduit une dérogation encadrée et temporaire (5 ans maximum) au Code de l’urbanisme. Cela permet aux maires d’autoriser immédiatement des aménagements œnotouristiques dans les exploitations, sans attendre les longs délais d’évolution des documents d’urbanisme locaux. Cette faculté est réservée aux seuls exploitants agricoles, afin d’éviter la spéculation immobilière. L’autorisation sera soumise aux avis consultatifs de la CDPENAF et de la CDNPS pour garantir l’équilibre entre développement touristique et préservation des espaces.
  • Réforme structurelle (Article 4) : Pour une solution pérenne, l’article 4 modifie le Code de l’urbanisme (article L. 151-11) en inscrivant explicitement les activités œnotouristiques dans la catégorie des activités constituant le « prolongement de l’acte de production ». Cette mesure lève l’ambiguïté juridique actuelle où la jurisprudence exigeait une complémentarité fonctionnelle stricte, et sécurise les projets (gîtes, chambres d’hôtes liés au domaine) qui contribuent à l’équilibre économique de l’exploitation.

En combinant une mesure d’urgence (article 3) et une réforme structurelle (article 4), la proposition de loi offre à la fois une efficacité immédiate pour les viticulteurs en difficulté et un socle juridique stable pour le développement futur de l’œnotourisme. Ce texte est présenté comme une première étape structurante pour reconnaître l’œnotourisme comme un levier stratégique de développement rural et économique en France.

Texte officiel : Assemblée Nationale, Proposition de loi n° 1917, déposée le 14 octobre 2025.

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